Insouciance
Mes contemporains traversent l’espace
des jours, dans l’impatience de brûler
et de disparaître, sans aucune attention
pour l’horizon, dont les éclats fleurissent
la mémoire d’un fleuve fiévreusement oublié.
La route avale le silence de chacun ;
les ponts reçoivent l’inventaire des solitudes
éparpillées dans le métal. Plus personne
ne pense ; tout le monde suit le mouvement
sans réfléchir, chacun dans sa solitude
avec l’argument bien martelé des obligations
ou avec celui du droit individuel au confort
– alors que la petite planète implose
sous la pression de nos insouciances.
Dans un autobus presque vide, je poursuis
mes lectures avec calme, je regarde le fleuve
au moment de franchir le pont et je vois
tout autour les automobilistes solitaires
qui défilent, avec un air hébété d’impatience.