Les petites heures

Publié le par la freniere

C'est un coin de par ici, c’est-à-dire de n’importe où, où l’on a perdu l’air et l’heure des saisons. C’est un temps d’hiver et de lointain après-guerre. Parfois, la neige recouvre notre enfance et nous voile les yeux. On joue par les ruelles, on se cache au fond des salles de cafés perdus où sentent bon le tabac, l’ennui, la joie et la lassitude. Les foins sont au sec dans les granges. On envoie les enfants, à la nuit tombée, tirer le vin au tonneau dans les caves après qu’ils ont rangé leurs cahiers pour l’école du lendemain. Sur les tables des cuisines, on aperçoit les ratures d’encre noire, toutes les hésitations d’une époque. C’est un temps tout près de nous, à peine une poignée d’années, un temps, une sorte de jeu entre enfance et vieillesse. On grandit comme des herbes sauvages, dans l’insouciance des campagnes et des bois. On grandit vaille que vaille, du vent plein les cheveux. On aime à la folie ces journées de soleil et de brume quand dorment encore les bêtes dans le silence des étables, que les premiers corps s’ébrouent entre les draps froids.

 

Joël Vernet

Publié dans Poésie du monde

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