Ce n'est pas moi
Tristan ce n'est pas moi
ce n'est plus moi
ce n'est pas encore moi
c'est un nom à venir
un nom à rassembler en pain
à rassembler en pierre
un nom à convertir en peuple
c'est la fin des poètes qui se sodomisent
avec leurs droigts d'auteur
dans les bourreau-cratie du sexe
c'est un jeune homme qui se pend aux marées
et qui marche vers moi le long d'une autre vie
c'est ce jeune homme qu'on brûle sur le Gange
dans un drap de soie rouge
c'est Alain Liévin, 23 ans, qui s'est pendu
parce qu'il ne trouvait plus de travail
c'est Alexandre Panagoulis
le sexe traversé d'une aiguille de feu
c'est Tautin, Jarra, Enriquez, Puig Antich,
Otaégui, Meinhof
c'est moi demain toi aujourd'hui un autre après-midi
c'est tous ceux qui refusent qui se lèvent et qui crient
pour ceux qui sont sans voix
pour ceux qui sont sans mains
pour les enfants de Kafr'Kassem
pour ces poètes qu'on retrouve
un matin
pendus
au coeur de leur corps difficile
ou une balle dans la bouche ou les veines vidées
comme Arthur Cravan, Jacques Rigaut, Jacques Vaché,
comme Sophie Podolski, Marc Ichall, Philippe Abou ...
c'est l'écriture en marche que le sang rend visible
qui ouvre par le feu des routes insoumises
qui ouvre par le feu d'immenses coïncidences ...
Tristan Cabral