Les vieux de chez moi

Publié le par la freniere

Les vieux de chez moi ont des îles dans les yeux
Leurs mains crevassées par les chasses marines

Et les veines éclatées de leurs pupilles bleues

Portent les songes des frêles brigantines

 

Les vieux de chez moi ont vaincu les récifs d'Irlande

Retraités, usant les bancs au levant des chaumières

Leurs dents mâchonnant des refrains de Marie-Galante
Ils lorgnent l'horizon blanc des provendes hauturières


 

Les vieux de chez moi sont fils de naufrageurs

Leurs crânes pensifs roulent les trésors inouïs

Des voiliers brisés dans les goémons rageurs

Et luisent leurs regards comme des louis

 

Les vieux de chez moi n'attentent rien de la vie
Ils ont jeté les ans, le harpon et la nasse
Mangé la cotriade et siroté l'eau-de-vie

La mort peut les pendre, noire comme la pinasse

 

Les vieux ne bougeront pas sur le banc fatigué

Observant le port, le jardin, l'hortensia
Ils diront simplement aux Jeannie, aux Maria

"Adieu les belles, c'est le branle-bas"
Et les femmes des marins fermeront leurs volets

 

Xavier Graal

 

Publié dans Poésie du monde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article