Il pleut
Il pleut !
L’averse aligne dans la rue d’innombrables petits soldats de plomb qui vont
tous en courant se noyer dans de minuscules ruisseaux.
Ils donnent l’assaut à la poussière !
Les braves petits soldats qui meurent en naissant !
Gloire éphémère !
Il pleut.
Toutes les gouttières sont des fontaines, des fontaines de Jouvence
qui vont tarir à l’instant.
Jeunesse passe !
Il pleut.
Les vitres ont des larmes. Elles n’ont pas de peine pourtant. Que leur a-ton
fait ? Rien. Et sur leur joue lisse et claire, glissent des larmes qui font de petits
chemins croches, comme sur les joues des enfants.
Fausse douleur !
Il pleut.
Les arbres courbent la tête comme les chrétiens à l’Aspergès. Ils reçoivent la
pluie qui est une bénédiction, avec force prosternations; la pluie qui les fera
croître et verdir.
Grâce divine !
Et toujours la pluie qui tombe, coule, crépite, fouette l’air et les étangs de ses
paquets d’eau…
La Nature prend sa douche.
Gilles Hénault (1939)