Rodney Saint-Eloi

Publié le par la freniere

photo: Pascal Dumont

photo: Pascal Dumont

Invité d'honneur au Salon du livre de Rimouski, l'écrivain Rodney Saint-Éloi revient sur son Haïti natale et sa vision de la littérature comme une invitation à l'humanité.

L'écrivain haïtien se sent de prime abord impuissant devant les catastrophes que cumule son pays natal, dont l'ouragan Matthews, qui l'a ravagé le mois dernier, faisant plusieurs centaines de morts.

M. Saint-Éloi croit toutefois que ces tragédies doivent être comprises dans une perspective planétaire, et que chaque pays connaît sa part de catastrophes. « On ne sait pas qu'est-ce que seront nos vies, nos rivières, nos fleuves, dans dix ans, donc la catastrophe elle n'est pas haïtienne, au contraire », explique-t-il.

Haïti peut dire au monde : "voici, il y a une catastrophe plus générale qui nous concerne", ça veut dire qu'il n'y a pas d'humanité singulière. Quand l'autre est malade, c'est moi aussi qui suis malade.
Rodney Saint-Éloi

Selon Rodney Saint-Éloi, la responsabilité de l'écrivain est de ramener le lecteur à son humanité, d'humaniser, également, la catastrophe. Cette responsabilité incombe d'ailleurs à tous:

« De sortir de notre confort pour dire qu'on est debout, on est des citoyens, on habite la cité, on veut que les arbres restent des arbres, on veut que l'eau reste l'eau. On veut que les enfants grandissent, pas avec la guerre, pas avec les discours racistes qu'on a légitimés. »

Offrir un autre horizon

Rodney Saint-Éloi a fait de Passion Haïti, son plus récent ouvrage, un dictionnaire amoureux de son pays natal : « J'essaie de rassembler tout ce qui me touche, dans le sens de l'amour, mais aussi dans le sens de la colère, tout ce qui m'a humanisé, éveillé sur le monde », raconte-t-il.


 

Après s'être défini à partir de l'exil, de la route parcourue et de la route qui reste à parcourir, il a désiré prendre un temps d'arrêt, pour regarder en lui-même et replonger dans ses souvenirs. Passion Haïtiest également une ode aux femmes de sa famille qui lui ont transmis tout leur amour.

« On te donne le pouvoir de nommer le monde, de regarder le monde, de voir très très loin et de ne pas avoir peur, parce qu'il y a une grand-mère qui t'a dit que tu es un prince. Et tu vas mourir avec l'idée que tu es un prince », affirme-t-il les yeux brillants.

Cette image l'habite toujours, quand il doit faire face au regard des gens, parfois teinté de racisme. D'un autre côté, ce plongeon dans l'Haïti de Rodney Saint-Éloi veut également ouvrir le lecteur sur un autre horizon.

Ça veut dire que si j'écris un livre et que tu le lis, ça te transforme. Ça te transforme en changeant ton regard de place. Ma grand-mère, qui ne sait pas lire, qui est une pauvre femme noire, devient une reine pour toi.
Rodney Saint-Éloi

Pour le « vivre ensemble »

Rodney Saint-Éloi écrit ainsi dans le désir de partager son rêve du « vivre ensemble », dans le respect et l'ouverture. Cet espoir passe d'ailleurs par la joie et les rires :

C'est ça la révolution, si on peut trouver le temps pour rire ensemble, pour manger ensemble, faire la fête... c'est ça, la vie. La vie n'est pas payer les factures. On nous a complètement dressés les uns contre les autres. Il faut se ressaisir.
Rodney Saint-Éloi

« Je voudrais que dans votre regard, il y ait la joie, l'espoir, pas un regard qui ne dit rien, qui ne peut pas dire "demain". Donc notre responsabilité, c'est de voir comment dire demain, et comment y inclure tout le monde. »

Laurence Gallant        Radio-Canada

Publié dans Les marcheurs de rêve

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