Cent ans de mémoires
Cent ans de mémoires coulent dans ta rivière
J’ai vu au nord de ta joue un naufrage
au sud de ta bouche une promesse
J’ai vu nager tes amours de pierres
jointures nouées à la terre sauvage
au froid des hivers qui repoussent
Cent ans de mémoires émergent dans le torrent
J’ai vu à ton front l’horizon des âges
survivre solitaire est une forme très vaste
comme accoster quelque part sans néant
j’ai vu à ton cou les amarrages
maintenir le remous qui passe
Cent ans de mémoires pleurent dans la débâcle
J’ai vu des rêves chavirer ton visage
fondre en goutte dans une longue caresse
et dériver l’été dans une seule barque
ancrer au fond des os et des ouvrages
dans tes cheveux soufflent le vent de l’Est
Cent ans de mémoires se déversent dans le flot
j’ai vu tes souvenances gravir l’ombrage
et peindre le calme au temps qui presse
redresser les voiles devant le mur des eaux
s’abreuver du printemps rapiécer le courage
voguer sans boussole sans manifeste
Cent ans de mémoires traversent le miroir
j’ai vu ton regard saisir les rouages
sauver le hasard d’une grande détresse
briser le silence du blanc et du noir
rappeler à la barre le tenace de la rage
pardonner à l’ennui toute tristesse
Cent ans de mémoires culbutent en océan
j’ai vu tes yeux émietter les rivages
chercher la trace attendre un geste
à la nuque et au soleil couchant
j’ai vu au cœur de ton équipage
ta tête de proue diluer la faiblesse
Élaine Langlois
Montréal, 4 juillet 2015
poème inédit