Le baiser d'Hélène
À Hélène Monette, pour sa voix et pour tenter de mettre « à mal les dégâts du silence »
déjà tes « grandes ailes »
bien avant Thérèse pour joie et orchestre
« trop lourdes pour ta charpente »
tu lui ressemblais
presque toi
celle qui trop tôt
ne serait jamais plus là
« plus personne »
˚
presque toi
— celle que je n’ai jamais vue
tes récits de rues de rivières de doute
tes doigts de bleu sombre
et nos aimées nos cadavres
au creux de nos soifs
frémit la perte
comment l’entrer dans le poème
˚
la nuit menace
comme si elle aboyait
nos muscles d’espoir broyé
plus de place pour les anges
ni feu ni transbordement
de joie de déesses tu dis
« La beauté est laide, il faut rêver »
rien alentour n’est assez vaste
˚
es-tu encore là
haute hurlante Hélène
sauvage
figure de proue
sur fleuve de cendre à l’affût
« déguisée en espérance »
nos coeurs boitent
c’est qu’on est à court d’extase ici
˚
dernière chance d’avril
avançons
fils de fer et visages parallèles
à fleur de nous Hélène
le monde n’en finit pas de trembler
ton brouillard ton dernier baiser
black-out
sur une joue d’océan
˚
à côté de ce qui nous lie
l’infini turquoise
te parle nageuse de nuit
fouille nos hasards nos archives
ne sais rien vois pense prends peur
aloès palmiers foule dévalent
« la vie tient à si peu »
suis désolée
˚
sur le qui-vive
désolée
devant mornes et flamboyants
le réel en larmes va
on vit mal tout près du sol
dangereusement de trop
morsure amie
partout Dieu sourd consent
˚
une lumière et ses bras de silence
d’éternels débris de chute
« la petite espérance » ne marche plus
qu’os nomade qu’attentat
éclat sur la table d’horizon
tant bien que mal
– flèche spirale urne
la langue erre
˚
te parle tout près
sans adieu
brûle de vagues
de sons d’âmes d’immondices
pourtant nous veille
rêve
dis viens poème
petite paix
Montréal — Haïti
30 octobre — 30 décembre 2015
Denise Desautels
* Extraits de Le baiser d’Hélène, qui paraîtra aux éditions du Petit Flou, Saint-Bonnet-Elvert (France), juin 2016.