Cette âme
toujours, je me démènerai avec le sens. même après quatre décennies tannée par ombres et tracas, baignée par joies et foi, la peau de mon âme s'avère grandement fragile, perméable aux sottises de l'espèce qui la blesse en permanence. incessamment, je viens vers vous, et je cherche dans vos yeux une lumière d'homme, quelque chose qui donne du sens à la pantomime des jours. parfois, je me dis que nous sommes juste des entités de vie, nous heurtant ou nous agrippant l'une à l'autre, mues par la simple volonté de moins souffrir ou d'y voir juste, ou d'exister selon le patron tracé par des mains de parents lassées d'exister d'eux-mêmes. alors, je me souviens que je suis mère aussi. que je ne suis que tailleuse toute petite dans la toile d'un univers qui m'ignore avec superbe. et je contemple mes abîmes dans ses abysses. j'y trouve la consolation de partager ce même ciel d'énigmes avec vous. d'être vôtre, si pas des vôtres. parfois j'espère faire vivre les morts qui m'ont aidée, aimée, construite, mais j'ai perdu ce petit compte et cette trahison aux chairs, aux sangs, aux noms, aux visages, aux accolades qui me redressèrent, me transperce le côté. je me dis que veux tu la vie sans cesse t'appelle te réclame. la vie des autres me régit. la mienne s'immisce entre les failles et les fentes et échoue à ruisseler de tout son jus. trop juste pour être entière, trop aimante pour être vivante, trop étroite pour embrasser large, trop fatigable pour tenir la distance, je crèche dans un port que heurtent les marées, rêvant d'horizons que mes visions enluminent, je braque avec constance ma longue-vue vers ces lieux d'espérance, mais la toile du temps s'effiloche avec régularité. les compliments ne sont que des échardes qui colmatent un coeur saignant. soeurs humaines qui après moi vivrez, pansez, pensez cette âme qui vainement vécu.