Lire le bois
Influences sans doute de la culture métissée des Cantons-de-l'Est, la haute théière en fer blanc trônait jour et nuit sur un des ronds du poêle dans la cuisine de mon enfance. Thé noir Salada vendu en brique. La poche moderne instantanée introduite plus tard n'a pas été un succès chez nous. D'autant plus que ma mère se tirait au thé. Il fallait des traces, des pistes accumulées, légèrement balancées au fond de la tasse. Une brume de mystère noirâtre entourait les révélations qui sautaient à la figure de ma mère. À la maison voisine d'à côté, sa sœur, ma tante Anna, en faisait autant avec ses yeux espiègles, un sourire comme une fleur abénakise, elle n'en disait guère davantage. Tirer au thé est peut-être bien féminin. Moi, j'avoue tirer aux rondins de bois. C'est hallucinant ce qui se révèle par l'imprimerie des coups d'ange de la Nature. Oui, je touche du bois depuis, ma foi, l'âge de raison. Sept ans. C'était ma job de rentrer le bois, matin et soir, dans la boîte à bois. Détrompez-vous, ce n'est pas du tout routinier pour un enfant. Ça m'a permis d'imaginer mille histoires, d'inventer beaucoup en parlant tout haut. Il n'y a pas un seul quartier de bois semblable à un autre. Je ne me souviens plus au juste comment je m'y prenais pour entamer le haut d'une nouvelle cordée. Je ne me suis jamais fait mal.
Vu qu'on a commencé à chauffer, hier, j'ai tiré. Un coeur tatoué dit tout!
Bon black frisât!