Resquiestat in pace
Amis
si je n’ai pas la chance de tomber contre un mur
ou assis au soleil en regardant la mer
si je meurs d’un meurtre
ou d’un éblouissement
si ma corde du cœur tarde un peu à casser
et s’il faut me conduire dans un mouroir public
retenez simplement ces derniers mots d’amour :
quand je commencerai à n’être plus qu’un corps
ne vous inquiétez pas et laissez - moi partir
j’ai depuis très longtemps tout ce qu’il faut sur moi
ou quelqu’un m’aimera assez pour me finir
mais qu’on attende un peu avant de m’enterrer
je demande seulement qu’on me veille trois jours
si possible couché dans le fond d’une barque
ou sur la pierre blanche d’une jeune montagne
à ceux qui m’ont aimé
je demande seulement
de se tenir
autour de moi
les mains…
qu’on glisse entre mes doigts
une immortelle d’Aran
et des œillets de mer
je demande pour finir qu’on allume des lampes
comme celles qui se balancent sur les vagues
et qu’on ne les éteigne qu’au soir du troisième jour
le temps que mes yeux neufs
s’habituent à la nuit
le temps
que doucement j’arrive
à mon premier séjour…
Tristan Cabral