Pour effacer les dieux
Quand on ne vénère qu'un livre
on est prêt à brûler tous les livres.
Michel Baglin
Devant l'ignominie, il arrive que le silence des pantoufles soit pire que le bruit des bottes. L'économie a pris tous les hommes en otages. La religion fait pire. Avec les djihadistes, le temps nous explose à la gueule. Il est devenu dangereux de prendre le train, même de déambuler, de traîner dans les rues ou à la table d'un bistrot. Les cervelles privées d'air font des hommes sans âme et les hommes soumis font le bruit des canons. Le cœur qu'il affûtent est la lame d'un poignard. Au nom d'Allah et de la peur de l'autre, ils ont pris les armes et jeté les crayons. Ils laissent derrière eux un héritage de cadavres. Ils ont tué la femme qui nous a mis au monde. Ils ont mis le feu aux livres pour n'en garder qu'un seul. Plus il y a de morts, plus leur Dieu est vivant. La religion (pour qui le sexe est un ver dans le fruit) fournit les alibis. Chrétien apostasié, je suis un renégat de toutes les religions. Une absence de beauté fait une absence de bonté. Les deux sont des jumeaux comme l'ombre et la lumière. Tout ce qui meurt fait naître quelque chose. J'habite l'impermanence et la durée. Une lumière anime le cinéma des ombres, le jeu des marionnettes et des ombres chinoises. Là où naissent les pommiers, les insectes prolifèrent. Je ne sais quoi d'invisible habite la parole. Le visible soutient ce qu'on ne voit jamais. Il y a des fleurs qui éclosent parmi les mots qui fanent. Dans chaque homme, il y a un autre homme, un homme universel. Il y a un homme et une femme dans chacun, un androgyne qui s'ignore. J'ai tout appris des arbres, de la mer et des mots. Une poignée de main suffit pour faire l'accolade. Je compte sur la pluie pour nourrir la terre, sur la terre pour nourrir les hommes, sur l'amour pour effacer les dieux.
Jean-Marc La Frenière