La guenille ou la soie
Je transporte mon âme
en guenilles ou en sang
rarement empesée sur un cintre.
Couvert de mots
comme une lèvre sur un sein
je vais de bouche en bouche
embrasser le silence.
Je vais de larme en larme
retrouver l’infini
au fond du bric-à-brac.
De vie en vie
j’invite le soleil
à dormir sous ma peau.
J’invite même la mort
à coucher avec moi.
Chair à chair, page à page,
j’avance mot à mot
reconstruire le monde,
recoller les morceaux
parmi les épitaphes
qui se cherchent une tombe
et les fleurs sans pétale
qui embaument l’absence.
Je suis la solitude
qui se cherche une foule.
J’ai vu tant de poussière
insulter la lumière
et des enfants rieurs
matés par les écoles
abandonner leurs rêves
pour forger des menottes.
Il ne sert à rien de courir
pour dépasser le temps.
Le langage est une malle éventrée
d’avoir trop voyagé
de l’inconnu à rien.
La peau garde en mémoire
la cicatrice des baisers
et l’eau des robinets
rêve encore à la mer.
Jean-Marc La Frenière