A force de ne pas mourir
A force de ne pas mourir
il vivote à travers le piano de ses dents
il sifflote des airs glacials
il prend la licorne par les couilles
et la jette aux ordures
du ciel
A force de ne pas mourir
il rit comme un cinglé
pense-t-on dans les chaumières
il tient debout tout seul
comme un cadavre gelé
il passe l’ Halloween
la nuit de Noël
et bois de la bière
dans un bénitier
A force de ne pas mourir
il décroche ses peaux
de rêves séchés
et les égraine
dans l'enclos des dindes
qui gloussent de plaisir
A force de ne pas mourir
il frétille comme un saumon
toute queue battante
dans la cascade de la nuit
il s'empêtre dans la gueule
de l'ours
celui qui t'attend toujours
au détour de l'amour
A force de ne pas mourir
il respire une montagne
et crée des avalanches
sur les pentes abruptes
du coeur
il met des guirlandes
à l'entrée des thanatologues
A force de ne pas mourir
il creuse un canal
pour les bateaux fantômes
et crée des chansons de marins
afin qu'eux puissent mourir
en paix couchés seuls dans
les grains d'un silo géant
A force de ne pas mourir
il essaie de faire des jambettes
au soleil qui se lève
pour le narguer
il sermonne les étoiles
pour tous les trous noirs
dans sa mémoire
A force de ne pas mourir
il halète comme un chien fou
qui court après son ombre
il fouette les coquerelles
qui tirent son char d'empereur
du ridicule
il s'effondre dans les marches
du palais d'où sortent
des mots sanguinolents
A force de ne pas mourir
il sous-vit il sous-meurt
il saoul mort dans
un labyrinthe d'analyse
transactionnelle
il décortique l'enfance
avec des outils en plastique
il s'ouvre les veines
de 10 heures à 21 heures
ne frappez pas
il est déjà par terre
un jus un verre d'eau une bière
mais ne touchez pas au whisky
A force de ne pas mourir
il joue au poche
dans les résidences poétiques
où l'on meurt dans de beaux draps
dans des lits littéraires
avec des médailles en phentex
A force de ne pas mourir
il épluche des patates
sur les pages culturelles
des journaux nationaux
il étrangle de faux poulets
dans ses doigts de fée
des étoiles mortes
A force de ne pas mourir
il arpente le brouillard
en quête d'une réponse
d'un semblant de solide
d'un deux par quatre
d'une moissonneuse-batteuse
il attend le métro
dans un caveau à légumes
A force de ne pas mourir
il compte les pierres tombales
comme d'autres comptent les moutons
et la nuit vient toujours trop
tard pour ensommeiller
son âme perdue