Le courage d'être fou

Publié le par la freniere

Le courage d'être fou

 

 

Le temps est immobile. Même si la nuit n'est pas tombée, je la ramasse du crayon et je l'épingle sur une page. Ce livre n'est pas un roman. Il procède plus de la peinture que de la photographie. Je préfère la prose poétique à l'écriture verticale des poèmes. Les mots doivent respirer. La ponctuation sert de poumons et de battements de cœur. Écrire, c'est d'abord une lecture. Les yeux remplacent le crayon. Les larmes se relaient sur l'éponge des pages et le buvard du temps. Le territoire du peintre Auclair est parsemée de statues,  d'apparitions soudaines, de fantômes colorés. Une grangette lui sert d'atelier, mais aussi de saloon et de chambre d'hôte. La lumière des tableaux habite cet endroit. Des totems se dressent un peu partout entre les ombres et les arbres. Ils guettent au bout des allées. Diverses installations amusent la galerie, une dizaine de tondeuses en file indienne, peinturlurées d'une même couleur, d'étranges objets de fer et de béton, des carcasses d'acier envahies par la végétation. Il y a même un cèdre taillée en tête de loup. Des pneus ceinturent les bouleaux, servant de bar ou d'appui-bras. Ils ont poussés en même temps que les arbres. Où que l'on soit une statue nous guette avec des yeux d'oiseaux. De multiples sentiers mènent à un lac tout au bout de la terre. Les enfants du voisinage viennent s'y baigner les jours de canicule. Il y a même une petite île aménagée pour eux en plein milieu du lac. On aime y boire sous la fraîcheur des feuillages. On rêve dans cette architecture végétale parmi les asclépiades, les boutons d'or, les marguerites et les tulipes. Le peintre s'est aménagé quelques arpents de liberté loin de la coke et de la ville.

 

Jean-Marc La Frenière

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