Retour a l'hôpital
Le soleil s’étiole sous le pansement des nuages. Le scrotum me démange, autrement dit, la poche me pique. Je dois revenir à l’hôpital d’urgence. 15 jours d’intraveineuse, de diurétique et de diète liquide. 15 jours de manger mou, de jaquette à fesses, d’urine mesurée. J’ai le moteur qui flanche, le motton dans la gorge et ma batterie faiblit. J’ai les testicules qui flottent dans une immense poche. Je traîne sur mes os un sac de douleurs. Je manque de souffle et de bon sang. Soumis aux protocoles cliniques, mon corps se révulse, mon cœur se révolte. Des blouses blanches s’agitent autour de moi. Leurs aiguilles trouent ma peau. Leurs mains froides m’indisposent. Leurs paroles me parviennent comme à travers une ouate ou un tissu de gaze. J’ai des yeux de malade. Mes regards sont glauques. Je mords le vide. Je ne sais quel médicament m’empêche de crier. Couché sur une civière, longeant les corridors, je frôle d’autres lits. Dans la salle d’opération, mes muscles s’offrent au bistouri, au scalpel, aux clapets. Des infirmières et un médecin tripotent mes organes. Un moniteur clignote durant l’opération. Les voyants s’allument et ne doivent pas s’éteindre. On peut y lire ma vie, seconde par seconde. Mon corps tressaille de partout. Mes organes tressautent. Une perfusion de sang agite mes neurones. Ce n’est pas vide entre les os. C’est plein de plasma, de sucs et de liquides séreux. Tant de choses se cachent sous la peau, quelques souillures dans l’âme, des dettes contractées par la postérité. Elles se révèlent sur les radiographies.
Je suis passé de la grande salle à une chambre unique, de la civière au lit. J’ai peur au moment du réveil. J’ai des bouts de peau souillés. Je dois jeûner quelque temps. Je vis au goutte à goutte. Je respire dans une tombe à ciel ouvert. L’eau de l’être absorbe quelques gouttes de non-être. Le corps est une éponge. Les blouses blanches ont retrouvé le sourire. Elles prennent mon pouls, change mon soluté. Elles surveillent l’écran, l’état du cathéter et mes petits tas de merde. Le cœur se remet à vrombir comme un moteur de chair. Le sang lui sert d’essence. J’entends la vie dehors, les autos qui stationnent et repartent, les moineaux qui pépient, les éboueurs qui font un bruit d’enfer. Je demande qu’on ouvre les stores, les portes, les lumières. Malgré le jeûne et la douleur, je m’accroche à l’espoir. Je reprends mon crayon pour trouver dans les mots une raison d’exister.
Jean-Marc La Frenière