Une main singulière

Publié le par la freniere

On écrit toujours d’une main singulière, celle qui se distingue dans le pluriel du monde, celle qui se fâche à chaque mauvais coup, celle du bien commun, celle qui corrige les défauts actuels, consumérisme, recherche du profit, pollution, prostitution culte du corps et des vedettes, culte du sport et des idoles, celle qui enraye les fusils et sème des légumes biologiques, celle qui lave les souillures du temps, délave les drapeaux, blanchit les idées noires, colore le matin, celle qui dresse le poing devant les injustices, celle qui remplace les comptes bancaires par des contes pour enfant, les kalachnikovs par des fusils de bois, les snipers par des chasseurs de papillons, les permis de chasse par des permis de séjour, les barbies par des poupées de chiffon, les babioles en plastique par des galets et des bouts de bois, les sous noirs par des billes de couleur, les formule 1 par des courses en brouette, les habits de gala pour la douceur des peaux nues.

Il faut lire le plus possible avant qu’on brûle tous les livres. On assassine déjà les journalistes.. On emprisonne les poètes. On interdit l’intelligence. On musèle les penseurs. On adore le veau d’or. On lapide les amants. On dilapide le bonheur. Dans la tête des hommes, des bras imaginaires soulèvent des haltères, des articles de fond, des fontes cérébrales. La lecture alimente les muscles du cerveau. Il y a des mots qui suent et des phrases qui saignent, des mots qui tuent et des phrases qui blessent, des textes en colère et des poèmes d’amour, des pages de musique et des dessins d’enfant, des livres d’empathie, des onces de tendresse, des grammes de vécu, des drames et des larmes de femme.

Il faut tout regarder avant que disparaissent les images du monde. Il faut goûter, sentir, humer avant que tout soit pollué. Il faut vivre, agir, aimer avant que tout soit mort. Dans chaque baleine qui se tue, Jonas désespère. Pour chaque moteur qui pollue, un jardin s’empoisonne. Dans chaque panne de courant, on se remet à vivre. Quand la machine s’arrête, l’homme se remet à marcher.

Le bonheur n’est pas un but, c’est une façon de vivre. Trop souvent, le malheur s’interpose. Bien sûr, il y a des accidents, mais la guerre et l’économie n’en sont pas, ni la foi du charbonnier, l’orgueil, l’ambition, la soif du pouvoir. La mort est comme une autoroute. Certains y roulent à tombeau ouvert. Je préfère le vélo et la marche èa pied. Lentement le cœur, lentement, le sang, lentement le pas. Je m’accroche aux saisons et me raccroche au verbe.

Le corps godille entre la pluie et le soleil. La lumière est intermittente entre le ber et le bordel, le berceau et la tombe, la pouponnière et le cimetière, entre les deux oreilles, entre les yeux, entre les pas, entre les gestes de chacun. La piasse a remplacé la religion, la presse la pensée, les opinions la réflexion. Certains ont la mémoire courte. Ils voient la vie dans un rétroviseur, prenant les vessies pour des lanternes et les miroirs pour la réalité. Je ne chante pas la mort. Je syntonise le cœur. J’écoute les oiseaux, les battements cardiaques, les sifflements du vent, l’ébullition du monde, les bulles d’émotion. J’hésite. Je médite. Je ne suis pas sûr d’être sûr. Je goutte à chaque fruit. Je déguste le temps, seconde par seconde.

 

Jean-Marc La Frenière

        

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article