Hommage à Robert Bob Lalonde

Publié le par la freniere

Hommage à Robert Bob Lalonde

Le poète Robert Lalonde a commencé à publier plus d'une quinzaine d'années avant que le comédien du même nom publie en 1981 son premier roman. Malheureusement, la notoriété télévisuelle de ce dernier a inévitablement éclipsé celle du premier. La confusion persiste depuis sans que ni l'un ni l'autre n'y puisse quelque chose.
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En 1969 à Montréal, j'avais 22 ans lorsque je fis la connaissance de Robert "Bob" Lalonde alors un 'vieux' de 32 ans, un bohème, un coureur des bois transformé en coureur des rues d'la grande ville. Nous avons échangé de nos livres, et, j'ai découvert sa plume digne d'un Verlaine et les thématiques qui le suivront toute sa vie : le monde des humbles; la nature et les animaux; les personnages familiers de nos contes; mais, surtout l'appel des bois et sa réalité de Métis (un pionnier là-dessus à cette époque).
Pendant des siècles, les Français venus en territoire du Kebek ont fait alliance avec les Autochtones et ont mêlé leurs sangs. Si bien, que les Amérindiens qui appelaient un Anglais, un Anglais; baptisèrent les Français métissés : les Canadiens ! Encore, un nom qu'on nous a subtilisé. De même, la feuille d'érable du drapeau vient du blason familial du patriote Louis-Joseph Papineau. Aujourd'hui, une majorité de Québécois redécouvrent leurs racines métisses. Le Québec constitue ainsi une nouvelle nation et une société doublement distincte en Amérique du Nord.
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Je me souviens alors du logement de Bob sous les arbres rue St-Urbain qui était un véritable sous-bois. Des troncs d'arbre servaient de bancs, des rameaux de sapin en guise de rideaux, des plumes d'oiseaux, des fleurs de trottoir, etc. Tout cela vite nous ramenait en pleine nature.

Je me souviens aussi lorsqu'en 1969, tous deux poètes de l'oralité, nous avions rencontré Pedro propriétaire de la vieille Casa Espanola pour lui demander de pouvoir y tenir des récitals de poésie. Pedro, anarchiste exilé, nous dit que même si personnellement il adorait la poésie, ce n'était pas le cas pour le reste des gens dans ces années-là. Afin de ne pas faire fuir sa maigre clientèle, il nous offrit seulement le lundi soir où il y avait encore moins d'achalandage. D'où l'appellation " Les Lundis de la poésie".
Je me souviens encore vers 1975, lorsqu'il vient me chercher pour travailler avec lui sur un projet de la Société d'histoire de Montréal : une longue recherche sur la tradition orale au début du siècle dans la métropole où l'on tenait encore des veillées traditionnelles.
Trêve de souvenirs, je peux dire aujourd'hui que Bob est l'ami d'une vie avec qui je suis demeuré en contact depuis un demi-siècle de façon continue sur le plan personnel et littéraire. Plus qu'un ami, c'est un frère... un frère métis.
À l'été 1970, j'ai édité un poème-affiche avec un de ses chants incantatoires : "Paroles d'un coureur de bois". Je termine donc avec ce texte emblématique.

 

Pierre Cadieu,ami et poète métis itou
Février 2019

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PAROLES D'UN COUREUR DE BOIS
 

Ayah! Ayah! Fleur-du-Lac, ma squaw
l'aube éclairait tes yeux dans les bois
au loin le chant des ouarons ouarons
près de l'étang le long des vallons

le vent filait doux dans les roseaux
la nuit bourrée d'étoiles cordées haut
nos coeurs de lune, tams tams de l'écho
cognaient de monts en monts les bouleaux

d'un coup enroulés dans la fougère
piège en saison, vif étau de chair
flèche en feu dans ton casseau de fraises
ton carquois cuivré brûlant de braises

l'éclair au sang de l'ivre voyage
dans les sapinages, sous ton corsage
Ayah! Ayah! Fleur-du-Lac, ma squaw
prend mon canot, mon coeur et mon bras.

Robert Lalonde

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