Devant le fatal
Devant les roues brisées d'un voyage imaginaire
je te disais : ouvrons la mer
devant l'épée nue parsemée d'étoiles
je te disais : j'habite la corolle
devant le miroir ovale de ta beauté
je te disais : confondons le brasier
devant le jour qui passait entre tes lèvres
je te disais : encore une heure de fièvre
devant la fureur hurlante au balcon
je te disais : la bonne saison
devant les fléaux qui pourrissaient à notre porte
devant le rouge barbare de la cohorte
devant les gestes lourds des témoins
devant les lignes brisées de nos mains
je te disais toujours le merveilleux possible (1959)
-Roland Giguère (1929-2003), L'Âge de la parole, Hexagone, 1971