Il neige à St-Fer

Publié le par la freniere

C’est l’hiver à St-Fer.

Les sapins s’illuminent dans le noir de la neige.

Les insectes dorment sous les planches et les plinthes

La souffleuse est passée qui nous ouvre la route.

Flocon par flocon la neige ralentit

comme une caresse prête à fondre.

 

Depuis les courriels et le courrier électronique

le facteur ne livre plus de lettres d’amour,

seulement des réclames, des colis d’Amazone,

des bleus de carte postale.

Quand il neige à St-Fer on rêve d’être au Sud.

 

A St-Fer on ne pellette plus de nuages

mais de la neige en sloche.

Le temps ne reprise plus rien,

ni les chaussettes ni les mitaines.

Seules quelques Filles d’Isabelle

commanditées par la fadoq,

pelotent de la laine.

 

L’eau en bouteille a remplacé la source.

Il flotte sur la mer des îles de plastique.

Le plancton des baleines est saturé de cambouis.

Il neige à St-Fer et les autos s’étouffent.

Le cœur des moteurs a besoin d’un chargeur.

Il neige à St-Fer

et les bancs de neige sont hauts.

On patine sur le lac

et les ruisseaux d’en haut.

 

Au village les néons remplacent les ampoules uniques.

Il n’y a plus d’ampoules aux pieds.

L’imparfait c’est le temps présent,

le temps des chars et des seadoos,

des voitures à essence et des valiums aux vieux,

des guichets de banque et des cartes de crédit.

 

J’ai tant bu sur la route,

mon foie redoute le vermouth.

Je suis à jeun depuis.

 Je tiens parole à hue à dia

et je converse avec les arbres

comme le vent à l’oreille des feuilles.

 

Vingt ans déjà que j’habite loin des villes.

L’asphalte a rejoint les petits rangs de terre

et leur pelure d’oignons.

L’internet est partout avec sa toile de bêtises.

L’aluminium recouvre les murs de crépi

et le bois gris des granges.

Le plastique a remplacé le cèdre

sur les maisons rustiques

 

A St-Fer on est loin.

Il n’y a plus d’autobus.

Mon cœur à la consigne

attend un lift pour revenir.

J’aimerais bien la chasse-galerie

mais les athées n’y rament pas.

Leur âme brûle en enfer

malgré les engelures aux pieds.

La vie dépasse par les trous de bas

comme les pas sur la route

et les mots dans la marge.

 

Il neige à St-Fer.

Les cheminées s’appellent d’un toit à l’autre.

Ils font des signes de fumée

comme l’écriture des Indiens.

Les skidoos et les quads font un boucan d’enfer

et laissent sur la neige des bouquets de cambouis.

Les lièvres s’enfuient et les chevreuils aussi.

 

On gèle a St-Fer.

Il fait frette en hostie,

trop frette pour sortir.

On en profite pour cuisiner,

crouser les ombres,

faire des puzzles, prendre un p’tit coup.

Je préfère aux jeux de cartes

revoir un film sur Miro

quand la télé n’abrutit pas.

 

Je renverse mes rêves comme un verre trop plein.

Je voudrais que chantent les flocons

dans la neige muette.

 

(…)

4 janvier 2020

 

Jean-Marc La Frenière

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article