Naître et mourir (Québec)
un ami me l’a dit je l’ai lu dans le journal
c’est donc vrai ce petit bois près de Farnham
la source graillonneuse la clairière de septembre
les foins en rouelles la faneuse rouillée
et ton ombre si légère pendue sous la lune
je ne demande pas pourquoi je ne demande rien
chacun tombe soudain comme un vent hors d’haleine
si tu m’avais appelé si tu m’avais écrit
j’aurais pris sur moi ta chance perdue
j’aurais pris le temps de vivre comme tu n’as pas vécu
mais tu ne pouvais plus percer ta détresse
on a sa fierté on ne se jette pas contre les porte
comme un mendiant
on a sa pauvreté sa peau à porter on y reste
que veut-il celui-là son pain de tendresse les miettes
d’amitié
il apporte l’espoir mais il oublie la justice
je t’aurais parlé d’une patrie à partager comme une
eau froide
après la fonte des neiges après la patience de se taire
je t’aurais montré ton visage tes années au front des
rues mouillées
j’aurais mis ta main sur la mousse des humains si
si douce à la terre
j’aurais gagné un jour l’espace de naître à nouveau
et de mourir peut-être
Jacques Brault