Fin et début (Pologne)
Après chaque guerre
il faut bien nettoyer.
Un peu d’ordre dans tout ça
ne se fera pas tout seul.
Quelqu’un poussera les gravats
sur les côtés des routes,
pour que puissent passer
les charrettes de cadavres.
Quelqu’un devra patauger
dans la fange et les cendres,
dans les ressorts des divans,
dans les débris de verre,
dans les haillons sanglants.
Quelqu’un doit traîner la poutre
qui calera le mur.
Quelqu’un doit déplacer la vitre
et regonder la porte.
Tout ceci n’est guère photogénique
et dure des années.
Toutes les caméras sont déjà
parties voir une autre guerre.
Il faut des ponts encore
et des gares à nouveau.
Les manches seront en lambeaux
tant on les retroussera.
Quelqu’un un balai à la main,
se souvient comment c’était.
Quelqu’un d’autre écoute
Opinant du chef qu’il n’avait pas perdu.
Mais tout près de ces deux-là
tournent déjà quelques autres
que leurs histoires embêtent.
Parfois encore quelqu’un
déterre sous un buisson
de vieux arguments rouillés,
et les jette sur le tas d’ordures.
Ceux qui sont au courant
du pourquoi du comment
céderont bientôt la place
à ceux qui en savent peu.
Puis à ceux qui en savent prou.
Et enfin, rien du tout.
Dans l’herbe qui couvrira
les causes et les effets
il faudra que quelqu’un se couche
un épi entre les dents
à regarder les nuages.
Wislawa Szymborska De la mort sans exagérer, Poésie Fayard
Traduit par Piotr Kaminski