Les mots

Publié le par la freniere

Les mots doivent couler de source, rien ne doit les arrêter, rien ne peut les arrêter, ils traversent les montagnes, les océans, les tours, ils survolent toutes les terres, tous les univers, les mots sont libres et il nous rendent libres, ils nous empêchent de somnoler, d'être paresseux, ils nous ramènent à ce qui est beau, à ce qui est fort, les mots sont partout, aux endroits les plus inattendus, ils savent bien se cacher, ils se cachent sous la plante des pieds, derrière un nuage, sous un coquillage et même dans nos rêves, ils sont comme des enfants, impatients, ils se mettent à courir dans toutes les directions, à crier, à hurler, à danser, ils sont heureux et inachevés, ils ont, on ne sait trop pourquoi, tous les pouvoirs, ils peuvent vous transformer comme ça, d'un seul coup, ils peuvent se glisser subrepticement dans votre cœur et vous changer à tout jamais, ils ont parfois un comportement bizarre, ils se mettent à rire quand on doit pleurer, à pleurer quand on doit rire, à apprendre quand on doit jouer et à jouer quand on doit apprendre, les mots sont toujours en cavale et c'est pourquoi les gens qui sont sérieux, ceux qui ont des certitudes, ceux qui croient tout savoir, ceux qui aiment hiérarchiser, veulent les emprisonner, ils veulent les enfermer dans des boites gros comme ça, ils veulent connaître le sens précis de chaque mot, ils ont même un manuel pour les utiliser, pour les contrôler, ils croient que les mots sont dangereux et ils en ont peur, ils ne leur font pas confiance, les mots disent parfois le contraire de ce qu'ils devraient dire, ils sont ambigus, changeants, comme ces insectes, qui peuvent prendre toutes les formes, on n'arrive jamais vraiment à les comprendre, à les situer, mais ils sont libres, et parfois on rencontre des hommes et des femmes, ils aiment les mots, eux, et leur métier c'est de s'en servir, ils savent que les mots sont merveilleux, qu'il faut savoir les approcher, avec douceur, avec candeur, qu'il ne faut pas essayer de les capturer, qu'ils nous apprennent toujours quelque chose de nouveau, qu'il faut se laisser faire, qu'il faut comprendre qu'ils aiment surprendre, dérouter et qu'il n'y a pas lieu d'expliquer, il faut tout simplement sentir les mots, les laisser nous guider, nous transporter et donc ces hommes et ces femmes, qui ressemblent à tout le monde, mais qui aiment les mots, et qui sont des poètes, les mêlent à une page et en font un poème et là les mots sont contents, ils sont contents d'être poème car le poème est comme eux, il est beau, il vient des profondeurs de l'aurore, des nuits, il est partout et nulle part, il dit tout et son contraire, il se modifie selon la couleur des songes de celui qui les lit, il est comme une énigme, qu'on ne parviendra jamais à résoudre et qu'on ne veut plus, après un bout de temps, résoudre et surtout il est puissant, il peut trancher dans le vif des choses rigides et durs, il peut éclairer d'un nouveau jour ce qu'on croit savoir, il peut écarquiller nos yeux et nous faire voir des choses inimaginables, il peut nous essouffler, nous rassurer, nous faire aimer et avoir peur en même temps, il peut tout faire, des choses tellement extraordinaires qu'on pourrait s'en méfier mais pour pas pour longtemps car le poème et les mots reviennent toujours à la charge et après on n'arrive plus à s'en passer, on en veut toujours plus car ils nous enseignent toujours plus, ils nous rapprochent d'une plus grand beauté, d'une plus grande douceur, ils rendent la vie possible, il nous aident à nous réveiller le matin et à tenter de vivre, ils mettent un bémol à la mort, ils nous disent le bonheur du fugitif et alors nous savons que tout a un sens, nous savons que ceux qu'on aime ne cesseront jamais de vivre, que la souffrance est une illusion et qu'elle cédera la place à la félicité et que l'étincelle de joie qui se trouve dans les yeux des enfants ne se dissipera jamais.

 
Jamais.
 

Rien ne doit arrêter les mots.

 
Umar Timol
Ile Maurice

Publié dans Glanures

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