Ni vie ni mort (France)

Publié le par la freniere

Je n’étais pas moi
pas lui

je n’étais pas muet
comme une tombe
lourd
comme une ombre

pas
je n’étais

en longue agonie
fleur de nénuphar peut-être
à la surface d’une mare

éclair quelquefois
d’un soir inattendu

je tétais
le sein de sang coagulé

tétanisé de souffrances
je n’étais que l’idée
d’un homme
désir de délivrance

et il a plu
pendant des années
il a plu des batraciens
et des couleuvres
il a plu de la boue
des éclats de métaux
il a plu des oiseaux morts
et des malédictions

j’ai vécu recroquevillé
sous les ronces et les pierres
respirant à peine
tel un vers de terre
gluant
digérant l’humus
sans yeux sans oreilles
sans bouche sans mains
ni pieds

j’ai vécu à cul
reclus
complètement nu
à l’intérieur des tubes
du silence
privé de pensées
écrasé par l’horreur
et la difformité
de ce monde
qui se tassait
tentait de se rassembler
dans mes entrailles
molles

je n’étais
ni rien
ni quelque chose
pas même négation
de la naissance.

juste le cadavre possible
d’un prématuré
suffocant d’avenir.


André Chenet

Publié dans Poésie du monde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article