Vilar Béjart le grand art
Ce vendredi 28 mai 1971
j’avais sur la table de ce village perdu
des Hautes Pyrénées
ce même volume bleu mer de Valéry
Tel Quel 1
que j’ai repris à l’instant
“ Deux sortes de vers: les vers donnés et les vers calculés“
( la suite au chapitre Rhétorique)
Ce jour-là la radio annonçait : Jean Vilar est mort à Sète
”du coeur comme il se doit”
avais-je écrit de cet être généreux et secret
qui fit tant de fois les nôtres battre
“Il nous a donné à aimer la ronde de nuit”
avait dit au poste quelqu’un
Son ami Béjart peut-être
que le créateur d’Avignon
avait associé à l’aventure
et à la messe pour un temps présent:
Comment sans le divin côtoyer le sacré ?
Bondir jubiler entraîner emballer le Palais des Papes
au bel âge des Utopies
Et puis étaient descendus les petits docteurs de la Révolution
Qui clouèrent Jean et Maurice au pilori de leur connerie
Qui n’a pas entendu sur l’air des lampions
Vilar Béjart Salazar !
Qui n’a pas vu les interventions de ces misérables
venus sur le plateau de la Cour d’Honneur
interrompre la danse et le jerk électronique
pour leurs logorrhées maoïstes léninistes trotskystes
ne peut comprendre le mépris que je ressens
en voyant leur rejeton
parader et parler comme des perroquets à la télévision
Qui me gâcheraient encore la fête
Si n’était plus forte mon admiration pour
Vilar Béjart
Leur grand art
Leur énergie joyeuse
Leur survivance…