Nativité
La pluie n’attendrit pas la peau du caillou. Elle raffermit la chair du raisin. Elle met l’eau dans la glaise et le grain dans la boue. Elle met l’eau à la bouche et les fleuves debout. Elle n’éteint pas la flamme des abeilles mais allume la fleur. Elle rafraîchit la terre et rend les plantes heureuses. Elle saute goutte à goutte de l’élan des fougères à l’éclat vert des prêles. Après l’ondée, le beau temps reparait à la une des feuillages. Les herbes se redressent et refont leurs cheveux. Les cordes à linge tournent sous les pas des oiseaux. Le soleil clignote sur la route des nuages, annonçant une chambre à l’auberge du cœur. Il fera chaud demain à la naissance des phrases.
Suivant l’étoile du berger, chaque lecteur apporte un peu d’or à la page, de la myrrhe aux voyelles, de l’encens aux images. Chaque nouvelle phrase sert de point d’appui vers l’immunité même du désir et propulse en avant. Dans ce monde de ténèbres, chaque poème est un appel d’âme, une étincelle sur le sable, un éclair de génie dans la sottise ambiante, une balle d’enfant parmi les vieilles tombes, la sève dans la fleur étourdissant l’insecte, le sexe des semences sous la jupe des blés, un papillon qui court dans l’odeur des pommes, un pied dressé plus haut dans la marche des hommes. Dans une corbeille de chiendent, elle regarde le monde avec les yeux des fraises.
Le ciel agite ses nuages comme un jongleur ses ballons. Un merle chante bleu parmi les aquarelles, un oiseau qui s’échappe sous la brosse d’un peintre. Les choses que l’on vend n’ont que le prix du temps mais celles que l’on donne apportent la lumière. De la chair à l’écorce, le front dans les cailloux, l’oreille pleine de terre, du mil entre les dents, la vie commence dans le sang et poursuit dans la sève. Les glands morts renaissent au départ d’un chêne et la valse des feuilles dans la portée des souches.