L'enterrement des éléphants (Québec)

Publié le par la freniere


Les éléphants, dit-on, ont une conscience particulièrement aigue de la mort, de la leur sans doute, mais aussi de celle de leurs semblables. Au cours des migrations, lorsqu'ils découvrent les restes d'un congénère, on les voit briser la colonne qu'ils avaient formée depuis le premier point d'eau et venir se recueillir sur les chairs et les ossements déjà à demi ensevelis. Écrasé de chaleur, conduit comme toujours par une femelle, le troupeau, souvent une trentaine de bêtes, encercle le défunt. Les longues trompes le caressent, l'enserrent. Certains individus s'écartent, vont arracher des herbes qui poussent non loin, puis viennent en recouvrir le corps. De la terre et du sable sont aussi soufflés sur ce qui subsiste de la grande bête. La cérémonie dure longtemps, apparemment ponctuée de silences. Mais en réalité, tous émettent des infrasons, inaudibles à notre oreille humaine. Que se disent-ils, que murmurent-ils donc, ces animaux étranges qui ont au moins ceci en commun avec nous : le désir secret et improbable que le trépas contienne encore un peu de cette vie pourtant achevée ?

Jean-François Beauchemin

Publié dans Poésie du monde

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