Joel Roussiez

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BIBLIOGRAPHIE


Romans, nouvelles et poésies


La Folie de Monsieur Siffait, nouvelle sur les Folies Siffaits, photos de Ph Ruault, Nantes, éd. A.C.L. 1985

La Cinquième Île, roman, éd. Le Tout Sur Le Tout 1987

Autrement, on entrait dans un Port, nouvelle, revue Grande Largeur N° 12, 1987

Bercés Par Les Brumes, poèmes en prose, Paris, Cognac, éd Le Tout Sur Le Tout & Le Temps Qu'il Fait, 1989

Il arriva..., cinq textes accompagnant des dessins de G. Chaimowicz, livre d'art, Vienne (Autriche), éd. Splitter, 1992

Errances, avec un coffre bleu et deux oiseaux, roman, conte et récit, Cognac, éd Le Temps Qu'il Fait, 1995

L'Homme Sédentaire Et La Femme Voyageuse, roman, Paris, éd Le Tout Sur Le Tout, 1999

Trente et Un Levers Du Jours, poèmes en prose, Paris, éd Le Tout Sur Le Tout, 2003
Nous et nos troupeaux, poésie, éd. La Rumeur libre, 2008



Vendu plus de quarante cinq mille percherons
Qui venaient d'un boucher d'Avignon
Me dis qu'il aurait fallu attendre
Mais pluie et incendie partout

Fuyons sur grand route derrière charrues et tracteurs
Des troupeaux de vaches errent dans les champs
Certains se précipitent subitement sur nous
On les écarte à coups de pied, de fourche

Les oiseaux bas survolent de longues plaines
Qui nous usent le moral en même temps que les pieds
Des orages méticuleux nous drossent le paletot
Et les bleds boueux nous alourdissent le voyage

Perdu des tas de temps à négocier les bêtes
Avec un type de Nanterre qui prétendait acheter bas-prix
On le tança si vertement qu'il nous offrit à boire
Nos tables de bois toutes couvertes de bouteilles

Un fleuve à côté de nous qui circulait épais
Un fleuve dont l'eau était chargée de rosiers
"Rien que des rosiers sur le fleuve!"
Qui descendaient le lit en dansant

Et, toutes ces roses, nous balançaient les yeux
Apprîmes que plus haut, on s'acharnait sur les roseraies
N'aiment pas voir la beauté par temps de pluie
Cela dérange le maussade, "excite la vengeance"
Dit-on


*

Tandis que des arbres divers doucement dansent sous le vent
Les fureurs du monde s'ébrouent entre les hommes
Tempêtes et grosse grèle cassent maison et moisson
Et l'homme respire mal, a peur et souvent meurt

On avance difficilement au travers de marées d'hommes
Ils fuient lentement, comme des troupeaux, sur des routes sans fin
Se calment par endroits et boivent l'eau saumâtre des mares
Le fleuve empoisonné promène ses poissons sur le dos

Ramassons des coquillages noirs dont nous nous remplissons les poches
Certains traînent des sacs.

Des plantes sagitaires bordent les routes
Oscillent à peine avant qu'on les piétine
Dans les arbres hauts des femmes se cachent
Des mâles isolés s'essaient à les prendre

Discutons aux auberges d'argent et matériaux
Les noires coquilles au prix de deux chaussures
Bien pratique, les chaussures, pour remonter au nord

Descendent tous vers le sud, les troupeaux effarés,
Disent qu'il y fait meilleur et que misère, là-bas, sourit

Il nous fait des pluies torrentielles ou du soleil abrasif
Tantôt nous avons froid, tantôt chaud


*
Tout au bout du morceau que nous joua le maître de sitâr
On écrasait des chats: des notes coincées aigües dans la mélodie
ce n'est pas comme les éleveurs de chevaux Mongols
Qui chantent comme cow-boy lorsqu'ils ne font pas deux sons

Alors, dans ce cas, la voix monte en sifflet rugueux
elle écorche en vibrant mais reste harmonieuse pourtant
Les chevaux que nous avons pris n'étaient pas autrement
Nous descendîmes vers le sud

On nous raconta que les Mongols, peuple fier
Firent guerre sans merci pour quelques milliers de chevaux
Qui paissaient sur une île tranquille au bord de la Corée
Laquelle chercha traquenard
Mais le Mongol en avait envie, alors durent céder


Le bruit lointain de gros cargos qui s'en allaient vers la haute mer, tandis que, sur la plage où nous attendions, les vagues s'amenuisaient et s'échouaient en brassant doucement les eaux mêlées de sable un peu vaseux dans lequel s'enfonçaient de nombreux vers que l'on voyait ensuite, lorsque la mer s'était retirée, tracer des chemins géographiques sur de petits territoires, entre un pneu une chaîne rouillée et les pas d'un oiseau...

Sentimentaux mais pas sensibles, les éleveurs aujourd'hui
Voudraient faire cadre noir, dominer la bête, Saumur
Rêvent hangar manège où, dressant cheval à coup de trique,
Feront s'esbaudir une foule de paumés devant technique

Un gravelot mongol ou une buse variable, ce matin-là
Se faisait chasser par plus petit que lui, qu'elle
Par un corbeau vulgaire, une corneille mantelée
Ou je ne sais trop quoi

Il ne faut pas oublier, chantait le joueur de sitâr
La pygargue de Pallas qui accompagnait le Grec
Et sutout l'autour chanteur sombre au nom si beau

Nos éleveurs d'aujourd'hui dressaient l'oreille aux noms savants qui leur épargnent l'angoisse de la pensée et l'expérience de l'émotion.

Tout là haut, dans l'espace aérien, un volatile noir chassait rapace
On entendait des cris de chat grinçsnt, d'où le rapport

Sur le bord de l'île mongole, des brumes roses passaient comme des troupeaux dont la brise échevelait doucement l'échine, lumineuse et vague qui engrangeait le soleil naissant, l'orangeant un peu, le rosissant, d'où les loukoums, "douléloukoum"


Joël Roussiez




Publié dans Les marcheurs de rêve

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