Arraché vif

Publié le par la freniere


À Gérald Godin

...

Quand elles passent
et que je dors sous mes trucks de désir
les filles se maquillent
aux miroirs
la rue est notre dernier cadeau
nous n'habiterons plus que la couverture du trottoir
où le mal s'endort aussi
dans les toilettes du grand café
les lavabos débordant d'enfants somnolents.


Mais qui a faim et soif et pleure
en embrassant le parquet d'une église
qui illuminera la couveuse d'étable
qui seule réchauffe nos mains
tout en sachant que les médicaments
seront remplacés par le souffle animal
pour l'être vacant
la saignée de porc, le plus creux des symboles intimes
car, faute de soins, ses enfants
mourront de virus rampants,
calcinés dans les flammes
du foyer qui n'existe pas
à côté de la peau de zèbre
des soupiraux du métro-intérieur.


Il est interdit de flâner
dans les corridors du ciel.
C'est Noel et tout saigne de froid
aux fronts «des hommes qui ont soif»
et vomissent
jusqu'à l'extinction des feux.


Même la vie ferme ses portes
demain nous écrirons
ce qui ne se passera pas.


...


Même mort ils me tuent encore
il faut souffrir en tant qu'êtres nuls
il n'est plus d'images que l'obsession de la prison de soi
où l'illusion est plus belle qu'ailleurs
et vivre veut dire devenir l'amante
de l'invisible qui rampe en nous.


Tout est brisé
surtout l'heure juste de l'amour
quand le merveilleux est un compte à régler.
Même plus de souvenirs
que l'avenir meurtri
le reste de mon corps s'offre aux couleurs
de la chambre noire où avoir mal
n'est qu'un soupçon d'éternité.


Mes yeux ne pleuraient
que pour notre patinoire de demain
afin de bénir ce meurtre qu'est la vie.


Denis Vanier                      Hôtel Putama, Éditions de la Huit, Québec, 1991

 


Publié dans Denis Vanier

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