Les hommes de paille (Québec)

Publié le par la freniere


Les épouvantails pourtant émouvaient la vie. On n'en voit plus guère de nos jours ; et cette absence me pèse autant qu'aux oiseaux. Je n'ai jamais cru que ces créatures dépenaillées, ces mannequins animés, pouvaient inspirer la moindre frayeur aux moineaux, pies et grives, corbeaux, hirondelles, étourneaux. Par les champs près de la ville j'allais encore enfant me glisser entre les seigles et les mais; les clôtures blessées m'ouvraient passage. Le sol sec de l'été taisait ses cris sous mes espadrilles. J'approchais d'un crucifié. Je lui parlais d'absolu, d'infini. Et j'obtenais chaque fois réponse  - et amitié. Les oiseaux voraces et piailleurs peu à peu venaient prendre part à la rencontre. Nous finissions en assemblée délirante, roucoulante, jaspinante. Nous étions heureux, à l'abri des lois du ciel et de la terre, réconciliés par une aile de rire, par un rituel de secrets puérils et dont je garde nostalgie.


Jacques Brault

 


Publié dans Poésie du monde

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