Wamakaskan* (France)

Publié le par la freniere


Casse-toi. Ne viens pas m'emmerder. Je trouve que cette gamme de verts endormis et vaguement scintillants qui peuplent mon esprit convient très bien au monde sous le couvercle. Je ne crois pas que m'éveiller et prendre des risques, des trains, des microbes me fera gagner une profondeur de plus.
C'est que j'ai peur, tu comprends, que tous mes trous se rejoignent. Comment alors, pourrais-je me définir et me nommer ?

il n'y a pas de guerre
la forêt n'est pas en feu
pas non plus de haute vague
pas de bâtiment en ruine
pourtant regarde
ils sont tous sortis en même temps sur le pas de leur porte
en bas de leur immeuble
écoute les ils se parlent
ils se parlent

Je sais, c'est un manège à l'envers, il faut y attraper des centres de plus en plus profond, y chanter des cuisines de plus en plus accordées.
Mais as-tu bien lu l'histoire des indiens ?
Retiens-en une seule chose : les superficiels sont lourdement armés.

ce qui s'ouvrira
au milieu des pelouses
qui ouvrira les canettes et cuira les pizzas
le monstre lumineux qui fendra vos crânes
suivra le tracé exact des nouveaux rails
regarde ils se parlent

il sera doux de tomber dans des gouffres
vous vous souviendrons en tournoyant d'Alice
la pionnière qui vous a tous précédés
pendant qu'ils tombent ils se parlent

on dit que le temps nous effrite
ce n'est pas vrai
il nous reconstitue peu à peu

Vieux con je t'aime, parce que tu grouilles d'insectes enseignants, parce que les filtres de la beauté et de la prestance sont tombés de toi. Parce que le peu de mouvements qu'il te reste danse très bien.
Parle moi encore, vieil indien. Tu es aussi une enfant et une ligne d'arbres. Mais tu as choisi cette forme aujourd'hui, parce que tu connais bien les livres et les films que j'aime. Tu sais quoi ? Ce n'est qu'une question de ça. Que Dieu mette une belle petite robe et je croirai en Elle.
Mais ta vieillerie me convient aussi. Coiffe-toi de plumes, creuse des pattes d'oie autour de tes yeux et psalmodie les chants qui font gonfler les seins.

quand ils sentiront la terre trembler
sous les pas des bisons
quand ils tenteront de savoir
où va la grande migration des plantes
qui se sont mises à marcher
tu leur revendras mes os à prix d'or

Bien sûr, vieux con, ma poupée, ma ligne d'arbres, et je suppose que nous partagerons les bénéfices autour d'une bonne table, juste au bord du grand cratère ?

tu leur diras
attends je cherche quelque chose qui sonne bien
voilà tu leur diras que mes os sont des longues-vues
mais regarde ils se parlent déjà
ils se les passent


*Création (au sens "ce qui a été créé, ensemble des créatures", en Sioux Lakota.


Stéphane Méliade

 


Publié dans Poésie du monde

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J
Il y a d'autres poèmes de Méliade sur mon site et même une page dans la rubrique Les marcheurs de rêve.
L
arghhhhhhhh je n'ai pas osé le mettre en entier chez moi, je n'en ai mis qu'un tout petit morceau et faut dire que entier, c'est bien, bien mieux ! Et c'est super de le lire ici aussi ! C'est un morceau, hein ?? je savais qu'il te plairait  ;)Découvrir Stéphane Méliade, qui n'est inconnu de personne à part des paiuvres nouilles dans mon style .... ( j'en pleureurais..) c'est un moment de pur bonheur.