Claude de Burine

Publié le par la freniere

Claude de Burine est née à Saint-Léger-des-Vignes le 19 septembre 1931 de Jean de Burine et de Graziella Sommariva. : son enfance baigne dans la poésie :

 

« La poésie, c’est un état. Une sorte de vagabondage. J’avais trois ans, quand un soir, je suis sortie seule. Pour essayer de ramener le clair de lune dans le seau de champagne de mes parents. La poésie, c’est ça… »

 

Après des études à Sainte-Marie de Decize et à Fénelon à Nevers, elle vit d’abord au Maroc de 1949 à 1956, à Casablanca, où elle est institutrice. Ensuite elle connait à Paris, les poètes contemporains : Rousselot, Bosquet, Guillevic, Marissel… : elle vit tout à fait en poésie : elle pense que vivre, c’est être poète,  surtout quand elle rencontre le peintre Henri Espinouze, qui devient son mari. Ce dernier illustre son recueil : « L’Allumeur des réverbères », 1963. A sa mort en novembre 1982, elle devient la compagne du meilleur ami d’enfance d’Espinouze, l’avocat Roland Massot, qui meurt en septembre 1985.

 

Bibliographie :
 
Lettres à l’enfance (Rougerie, 1957)
La Gardienne (Le Soleil dans la tête, 1960)
L’Allumeur de réverbères (Rougerie, 1963)
Hanches (Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1969)
Le Passeur (Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1976)
La Servante (Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1980)
À Henri de l’été à midi (Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1987)
Le Voyageur (Le Milieu du jour, 1991)
Le Visiteur (La Bartavelle, 1991)
Le Passager (La Bartavelle, 1992)
Les Médiateurs (La Bartavelle)
Le Pilleur d’étoiles (Gallimard, 1997)
L’Arbre aux oiseaux (La Bartavelle, 2003)
Cette auberge du pauvre (La Bartavelle, 2004)
Gardienne des nuages (Coedere)

 

Dans un poème de neuf lignes, Claude de Burine réussit à dire d’abord : Ce matin le soleil est propre. C’est sa familiarité avec le cosmos. Puis elle écrit : Pas de littérature à manger : ainsi gifle-t-elle le rêve ou, au contraire, en fait une denrée rare qu’il faut mériter. Aussitôt, elle se rebiffe : Le métro commence à digérer sa mort; et tout le désespoir nous saute à la gorge. Il n’est personne dans la poésie actuelle qui ait cette puissance naturelle, ce mal à vivre sans crier, cette imagerie où les étoiles vont aux tripes.
 
Alain Bosquet
 
 
MA MORT EST MORTE
 
Ma mort
Est morte avec toi
Jamais plus, je n’aurai les fleurs
Leurs confidences
D’enfant au rosier.
Jamais plus, je n’aurai le saule
Son doux visage d’orphelin
Ce oui coloré
Qu’on appelle la vie.
 
Le printemps est venu sans toi
Et je mourrai sans toi
Sans lui
Sur le territoire des cigognes
Sous la protection des mûres
Le long des noisetiers
Contre leurs doigts de joueurs d’échecs.
 
Qu’on me donne l’hiver
Son ventre plat
Son rire éteint de graminée
La neige fine de sa lampe
Et qu’éclate au loin
En campagne
En mer
Que je coule avec toi
Et sans fin avec toi
Morte avec toi
Un soir de safran
Et d’ornières.
 
 
CE NE SERA RIEN
 
Ce ne sera rien, cette fois, l’été,
Un dé à coudre oublié dans l’herbe
Un ticket de métro déchiré
Que le pas de la rosée protège
Une place vide
Dans la grange aux fougères
Et ce ne sera rien, la mort,
Un vent du désert
Qui livre son visage au sable.
 
 
Je pense que la poésie peut se faire aussi bien sur un champ de foire où parlent les hommes et les bêtes que sur la vieille banquette-mère d’un bistrot parisien.
 
Comment j’écris ? La plupart du temps presque sans ratures car je porte le poème longtemps en moi.
 
Je le couds à petits points, au fil des heures mais je puis aussi écrire très vite.
 
D’autres fois, je reprends le mot, le retourne, l’assemble et le couche avec d’autres mots comme on fait un nid.
 
Parfois, j’isole même un mot pour qu’il respire. Par exemple : le silence, le mot silence. Il me semble que ce mot doit rester seul en ligne, pour attendre, voir venir. Le mot neige aussi. Ou elle doit tomber et on l’attend. Il lui faut la place. Ou elle est là : elle règne.
 
De préférence, j’écris des vers très courts pour que le sang passe entre les mots, qu’il soit à l’aise, à son affaire, qu’il donne un coup de reins, une caresse, comme dans l’amour.
 
La poésie, il me semble, est d’abord une vocation particulière, puis un état, une façon d’être, une communion avec les autres, une esthétique et une morale, enfin.
 
Rien : la tasse de thé des solitudes. Et puis nous arrivons à nous méfier du mot qui dit : silence, qui s’écrit : silence, il arrive même à faire du bruit.
 
Je n’ai jamais mangé d’autre pain que la terre.
 
Je n’ai jamais vécu ailleurs, je crois, que dans les arbres.
*

La cathédrale

Noms de jeunes filles

Penchées sur le fleuve

Qui s’appelait mélancolie

Dans les temps anciens

Où je vous aimais

Où vos yeux gardaient

La couleur des sables

Vous étiez le feu

Vous étiez la flamme

Et vos jambes avaient

Le goût des fougères

Fard violent des souvenirs

Sur la peau douce des fleurs

C’est beaucoup plus tard

Toujours

Que descendent les neiges

Quand est venue la fête

A pas de jacinthe et de muguet

 

*

Cendre

 

Cendre grise,

Au chant d’œillets blancs,

Qui garde peut-être encore la forme

Des lèvres, des épaules, des reins,

Que l’on mêle au fleuve, à la mer,

A la terre, aux jardins,

Près des fleurs, des arbres,

Que nous avons plantés,

Ou que l’on amarre

Dans les tombes, les chapelles,

A côté de ces grands empaillés du rêve

Que sont nos morts

J’ai atteint

Les zones froides de l’intelligence

Je n’existe pas.

Quel aveu faire ?

Quelle réponse donner ?

Je n’ai avec moi

Que des mots sans armure

Ni code

Et le mot de passe pour aller

Chez tes fleurs à toi amour,

Tes saules,

Tes bouleaux,

Tes terres à soleil

N’existe plus,

Parti,  comme partent

Les touristes des eaux bleues

Chassés par les premières pluies,

Comme est parti

Le marron de tes Yeux

Dans le feu royal.

 

Claude de Burine

 

 

 

Publié dans Les marcheurs de rêve

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