Au bord des fausses routes

Publié le par la freniere


Dans le vieux cœur du monde où l'aorte s'ébrèche, parmi l'envahissement des choses, l'encombrement du mal, la maigreur des blés, la peau des portefeuilles plus morte que la mort, la vie est contrefaite de promesses éthyliques. Sur la planète infirme, l'hérésie des affaires décime les forêts. L'atroce comédie humaine ne fait plus rire les oiseaux lorsque leurs œufs pourrissent dans les nids. La lumière s'étiole à nourrir les ténèbres. On ira jusqu'à vendre le cristal des larmes. Dans le grand corps du monde, l'éventail du cœur a replié ses veines. Le sang coule à rebours dans les blessures d'enfance. Ayant brisé leurs ailes, on relègue les anges au marché des otages. Les microbes de l'homme infectent la rosée. Les mendiants d'amour s'emprisonnent à l'écran. Tachée de quolibets, reléguée hors du temps, la tête du bonheur a mis son chapeau d'âne. La neige étouffe sous le cambouis. Les plectrophanes meurent dans la maison du souffle. L'espoir n'est plus qu'un mince filet d'eau. Est-il encore des lieux où les fleurs écarquillent les yeux, où les collines bombent le torse, où la chair végétale redresse son échine, où les enfants s'adonnent au vertige de vivre ? J'ai titubé longtemps au bord des fausses routes sans perdre l'innocence. Une brindille d'espoir, quelques cailloux de rêve, des souvenirs d'enfance, quelques noix, quelques fleurs, une goutte de rosée, je cache mon trésor sous les haillons des mots. Armé d'un seul crayon, du fracas des pétales contre le bruit du monde, j'avance dans la nuit. Les marques des blessures éclairent mon voyage.


L'ombre examine les trous que le soleil ne voit pas, confondant l'homme à ses limites, l'espace avec le temps. Quand l'homme ouvre son cœur, les portes sont trop petites et les chemins trop courts. Quand il se vend, l'espoir s'anémie à la mesure d'un salaire. Ses pas sur le compteur se calculent en chimères. Le jour s'éteint au bout des doigts. Ses mains sur les manettes emprisonnent leurs gestes. Son âme se perd dans la monnaie et ne tinte plus qu'au fond des poches. Les patrons veillent et distribuent la haine en petites coupures. Même quand nos fronts heurtent le ciel, une ombre enserre nos racines. J'ai fait mes premiers pas hors des sentiers battus. Je continue ma route sans savoir où je vais mais où je ne vais pas. Quand ma besace est vide, je la remplis d'azur. Quand mon cœur est blessé, je le remplis d'amour. Je m'appuie sur le ciel pour ne pas trébucher.


Publié dans Prose

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