Michel Garneau

Publié le par la freniere


La poésie c’est la cousine germaine de l’imprévisible

Et, de l’imprévisible, il en faut des paniers

Et des tonnes

À déverser en secret dans nos révolutions

Qui sécrètent des bombes imaginaires du pouvoir,

Du pouvoir de dire autre chose

Que la guerre et les petits partis

Qui se passent des petits paniers

Aux barbes hirsutes

Pour une libération de demain.

 

La poésie, c’est ce qui nous reste

Quand les grands manitous de la fatalité

Se sont prononcés contre la vie.

 

La poésie, c’est la lune penchée comme un canot

Qui chavire son gréement

Dans nos nuits d’attente.

 

La poésie, c’est la manière de s’habiller

Quand on ne peut pas parler.

C’est la manière de parler

Quand on ne peut pas écrire.

C’est la manière de regarder

Quand on ne peut ni parler ni écrire.

C’est la manière de penser

Quand on ne peut ni parler, ni écrire, ni regarder.

 

Mais laissez-nous la poésie.

Elle entrera forte, comme une fleur fille.

Elle tapissera nos murs de visages d’hommes anciens

Qui ont dévisagé la folie, la mort, la solitude.

Plus jamais elle ne perdra le nord.

 

La poésie, elle aura des enfants qui auront des enfants

Qui auront des enfants.

Elle fera tomber les drames psychologiques des prélarts,

Du quotidien, des buildings, des photos de riches blasés.

Elle remontera l’horloge de la fable, des contes, des légendes,

Des histoires à vivre debout au grand soleil.

Elle injectera la dignité archaïque dans les générations

Qui ne font que commencer

À recevoir des balles de plomb dans les ailes,

Elle fera un mariage de raison,

Aussi paradoxal que cela puisse paraître,

Avec un homme d’affaires qui rendra la poésie populaire.

La grande vie, que je te dis !

 

La poésie, elle s’écrira, elle s’imprimera,

Elle se dira, elle se chantera,

Elle se taire et elle naîtra

Dans nos vêtements, dans nos logis,

Dans notre nourriture, dans nos fêtes,

Dans nos relations humaines,

Dans nos relations inhumaines.

Elle corrigera l’obséquiosité hiérarchique

Pour ceux qui n’ont pas de compte en banque

Et, si jamais, elle pleure, la poésie,

Ce sera pour inventer des criques d’eau salée

Avec ses larmes,

Pour que les hommes se baignent au chaud. 

 

(Texte composé à l’occasion de la Nuit de la Poésie à Montréal)

 
 

Publié dans Les marcheurs de rêve

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