En dormance

Publié le par la freniere



Déjà l’automne consigne les orties, le cahier bleu des ronces, les nids abandonnés, les tiges en quarantaine. Le chant des ouaouarons se réfugie sous l’hématome des ruisseaux. Un vent chauve picore les dernières étamines. La poussière s’apaise sous la mousse blanchâtre. La mort inévitable dépouille les érables. La forêt en dormance n’appelle plus d’oiseaux. Les sentiers disparus n’accueillent plus d’insectes. L’herbe blanchit sur la joue des rochers. Le froid découd l’écharpe des fougères, le cou des saxifrages, le col des tulipes. On vit comme en surplus. J’appréhende le froid un peu plus chaque hiver. La peau du cœur frissonne au moindre vent glacé.


Le visage des feuilles se dessine dans la noirceur des racines. Un arbre pousse de l’ombre à la lumière. Quand la sève s’endort, elle prépare l’été. Les arbres aux mille yeux ont perdu leurs lunettes. Ne restent ci et là que le bout d’une monture. L’été ne range plus ses fruits. L’automne est un fouillis préparant l’harmonie. Les arbres pleurent sous l’écorce. Les montagnes s’inversent. Le souffle devient loup, les branches dénudées des balais de sorcière. Il pleut souvent. L’espace lui-même s’est noyé. Le temps existe à peine sur le visage des maisons. Trop de couleurs éclatent sans un bruit de pinceau. L’arrivée de la neige ramènera chaque homme au centre de lui-même. La neige donnera aux bruits une blancheur sonore.

 

 


Publié dans Prose

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