Ilse Aichinger
Née d'une médecin juive et d'un professeur, Ilse grandit, après le divorce de ses parents en 19266, avec sa mère et sa sœur jumelle Helga chez sa grand-mère.
L'Histoire rattrape la famille Aichinger à partir de 19388 : la mère perd son travail, et sa famille est décimée dans les camps d'exterminationn. Ilse en tant que juive ne peut continuer ses études et est incorporée de force dans l'armée. Helga réussit à fuir pour l'Angleterre.
À la fin de la guerre, elle commence des études de médecine tout en écrivant son premier texte : Das vierte Tor (Le quatrième but) en 1945. C'est le premier roman publié en Autriche sur les camps de concentration. En 1946, elle fait sensation avec son essai Aufruf zum Mißtrauen (Appel à la méfiance) : « De notre propre sincérité nous devons nous méfier ». Ilse Aichinger abandonne ses études de médecine en 1947 pour se consacrer à sa vocation d'écrivain et finir son premier roman Die größere Hoffnung (Le grand espoir). Dans celui-ci elle continue à revenir sur les années sombres qu'elle a vécu à Vienne pendant la guerre. Avec ce roman, elle acquiert une certaine renommée.
Aichinger rompt avec l'écriture de romans pour devenir lectrice dans une maison d'édition. Entre 1950 et 1951, elle travaille comme assistante à la « Hochschule für Gestaltung » (école de design inspirée par le Bauhaus) à Ulm en Allemagne.
À partir de 1951, Aichinger fréquente le Groupe 47 et en reçoit le prix l'année suivante pour sa Spiegelgeschichte (Histoire de miroir) parue dans son recueil de nouvelles Rede unter dem Galgen (Discours sous la potence). Devant le succès, le recueil ressortira sous le titre Der Gefesselte l'année suivante.
Elle rencontre le poète et écrivain Günter Eich dans le Groupe, se marie avec lui en 1953, et en aura deux enfants : Clemens en 1954 et Mirjam en 1957.
Aichinger change de mode d'expression en passant aux pièces radiophoniques comme Knöpfe en 53.
En 1955, la ville de Düsseldorf lui attribue le prix Immermann et elle est faite membre de la Berliner Akademie der Künste (Académie berlinoise des Arts) l'année suivante.
Les années suivantes, ses écrits s'éloignent de la description d'une réalité pour aller vers des voyages dans l'imaginaire humain, influencés par le surréalisme comme dans Wo ich wohne. Son mari meurt en 1972.
Elle change encore de thématique vers 1976 en remettant la langue allemande en question, comme dans le recueil Schlechte Wörter (Mauvais mots). Ce recueil influencera beaucoup de jeunes auteurs de cette époque.
Aichinger publie de moins en moins, probablement en lutte profonde et inégale avec la langue allemande ; mais aussi très occupée par son éternelle passion du cinéma. Elle reçoit des prix, parmi les plus prestigieux du monde germanique et intervient épisodiquement par des interviews. Sa mère meurt en 1984.
En 1987, elle reçoit le prix littéraire Europa décerné par l'Union européenne. L'année suivante elle retourne s'installer dans sa ville natale. Et en 1991 ses œuvres complètes sont publiées en 8 volumes (en allemand) pour son soixante-dixième anniversaire. En 1995, elle reçoit le Grand-Prix d'État autrichien de littérature.
Son fils, l'acteur Clemens Eich, meurt d'un accident en 1998.
Extraits de bibliographie en allemand
Die größere Hoffnung, 1948
Der Gefesselte (1953)
Knöpfe (1953)
Besuch im Pfarrhaus (1961)
Wo ich wohne (1963)
Eliza, Eliza (1965)
Nachmittag in Ostende (1968)
Nachricht vom Tag (1970)
Schlechte Wörter (1976)
En français, il n’y a que les deux recueils de nouvelles qui ont été traduits :
Les « récits » d’Ilse Aichinger réunis dans ce recueil relèvent de la logique des enfants, et non des adultes. Alice savait bien, comme tout poète et comme Ilse Aichinger, que le langage permet de créer, à côté du monde perceptible, une infinité de mondes possibles, puisqu’on peut les dénommer et les décrire. Ce qui peut être décrit peut exister, et réciproquement…
Au lecteur donc d’entrer dans ce jeu, ou tout au moins d’admirer, avec amusement toujours et souvent avec effroi, l’ingéniosité, l’inattendu des mots les plus banals, manipulés avec assurance par une incorruptible main d’enfant.
Un plus Grand Espoir, Verdier
Pendant la guerre, une petite fille, juive par sa mère, rêve d’obtenir un visa pour quitter l’Autriche et trouver refuge aux États-Unis. Autour d’elle, un groupe d’enfants juifs, pour survivre, opposent à leur sort tragique « un espoir plus fort que la mort ». Un pied dans chaque monde (son père n’est pas juif), Ellen tente de faire vivre cet espoir des deux côtés. Elle accompagne ses amis juifs dans leurs jeux et leurs rêves. Elle n’a de cesse de questionner les autres, tous ceux qui vivent endormis. Dans un monde en plein naufrage, où il n’est plus de sens, plus de but ni de liberté, elle interdit l’oubli de soi, impose à tous d’ouvrir les yeux et de chercher à nouveau.
Et le recueil, Le jour aux trousses, poésies complètes traduites de l'allemand et présentées par Rose-Marie François, Orphée/La Différence, 1992
Dédicace
Je ne vous écris pas de lettres,
mais il me serait facile de mourir avec vous.
Doucement, nous nous laisserions glisser
le long des lunes, une première halte
auprès des cœurs de laine, puis
une autre parmi les loups, les framboisiers
et ce feu que rien n'apaise ; à la troisième,
j'aurais traversé les fines mousses
des nuages raréfiés,
passé sans effort le pauvre fourmillement
des étoiles, pour arriver
dans votre ciel, tout près de vous.
Avant que ne rouille et se casse
la descente des rêves,
laissez-y glisser les bien-aimés,
grands et petits en manteaux gris,
regardez, la piste claire, la glace.