À Marina Tsvéiateva
C’est ton droit, tu as retourné tes poches, et
Tu as dit : cherchez, explorez, fouillez.
Ça m’est égal, de quoi le brouillard se mouille.
Telle histoire vécue est un matin de mars.
Les arbres en pèlerines douces
Se dressent sur le sol de gomme dure,
Bien que les branches, c’est sûr,
Ne supportent plus d’être à l’étroit.
Les branches frissonnent sous la rosée,
Et ruissellent comme la toison d’un mérinos.
La rosée court, se secoue comme un hérisson,
Les poils sèchent tout en bas du nez.
Ça m’est égal quelle conversation
J’entends, elle vient de nulle part.
Telle histoire vécue est une cour au printemps
Quand un voile léger l’enveloppe.
Ça m’est égal sur quel modèle
Est coupée la forme de mes robes.
Telle histoire vécue sera balayée comme un rêve,
Le poète s’y sera enfoui totalement.
Il s’élèvera comme un nuage par de multiples
Manches, tel une fumée il progressera
Hors des trous de la fatale époque
Vers une impénétrable impasse.
S’échapperont, par les fumées, des milliers
De destins aplatis comme des galettes, et
Les petits-enfants diront, comme pour la tourbe :
L’époque de celui-ci brûle.
Boris Pasternak
traduit par Henri Deluy