Alain Leprest
Allain
La lun' se saigne aux quatre veines,
Ivry la rouge devient bleue,
Mont Saint-Aignan remont' la Seine
En terre où l' sommeil fait c' qu'il peut.
Ces carreaux posés sur le nez,
Mâchant ses mots jusqu'à point d'heure,
Allain se leste de papier
Pour mieux nous allumer le cœur.
Sa gitan' se met à danser,
Faisant des ronds dans l'eau du soir,
Là où le jour vient s'oublier
Entre l'abîme et le comptoir
D'une nuit qui se boit cul sec,
Pour quelques mots qu'il nous allonge,
Sachant qu'il faudra faire avec
Quand d'autres vont jeter l'éponge.
Allain, Allain,
Maître chanteur au pays des mots.
Allain, Allain,
Maître oiseleur au pays des plumeaux.
Allain comm' ça n' se prononc' pas
Sous la plum' de l'état civil
Où l'orthograph' marque le pas
Pour un clin d'œil qui met dans l' mille.
Deux « l » pour un oiseau bancal
Lissant les pans de sa chemise
Entre le bec de ses doigts pâles,
Qu'il fera chanter à sa guise.
Voyez-le grimper sur les planches,
Comm' d'autres vont à l'échafaud,
Est-ce vraiment sa gueul' qui penche
Ou jeu de scène ? On n' sait plus trop.
Et voici ses mains qui s'envolent
Pour mieux combattre ses démons,
Et tout son corps prend la parole :
Homme et chanteur à l'unisson.
Allain, Allain,
Maître chanteur au pays des mots.
Allain, Allain,
Maître oiseleur au pays des plumeaux.
C'est peut-être un peintre manqué,
Et good bye monsieur Ripolin.
Mais pour les mots qu'il fait chanter,
C'est du garanti cousu main.
Allain c'est un gamin tombé
Dans son potage au vermicelle,
Avec l'alphabet pour jongler
Il vous en fera voir de belles.
Loin des poèt's qu'on traîne en laisse
Pour quelques rimes de bazar,
Des « pros'-toujours-tu-m'intéresses »
De la vitrine des beaux arts,
L'encre jetée par les fenêtres,
Ce que l'on prend, ce qu'il en reste,
En verve et contre tout peut-être,
Bien le bonjour monsieur Leprest.