Au bout de ce carnet
aller au bout de ce carnet
me prendra-t-il le temps de vivre
je vois la menace précise
aujourd’hui qu’il pleut lentement
le temps d’écrire je l’avais
dépensé trop souvent avec
le temps de ne rêver à rien
(ou paresser comme un vieux chien)
de méditer à la façon du chat
et de somnoler dans ma tour
d’ivoire imaginaire
ou ma tombe de vampire vulgaire
mais le temps est venu du pire
qui rime opportunément
avec la perte d’un empire
que l’on situait hors du temps
*********
les rêves du jardin
font frissonner les herbes
que l’on prétend mauvaises
comme des cauchemars
les jardins endormis
sont aimés par la lune
et dans le long hiver
un outil délaissé
témoigne d’un mystère
et d’une autre durée
*********
il me reste à écrire
mil poèmes sans grâce
et va savoir, un seul
habité par la joie
mais celui-là rachète
les mil autres perdus
et touché par la gloire
anonyme des jours
il sera retranscrit
sur ma peau délavée
quand j’irai dire à dieu
me voici propre et vieux
Jean-Claude Pirotte