Ci-git Robin (Bretagne)

Publié le par la freniere

 

Aux poètes de Bretagne

 

Armand Robin
    Robin des nuits, Robin des bois et des rivières

    sans un mot tu t'en es allé dans la paisible mort
    des pierres du silence
    Tes yeux fermés sur le rêve libertaire
    tu gis, tranquille
    tel le mendiant sous le porche à Rostrenen et Langonnet.
   
    Robin, anarchiste du Poher
    épi trop mûr de la douleur paysanne
    résidu exilé aux durs pavés de Paris
    toi l'ami de Maiakowski, d'Essenine et de Calloc'h
    toi qui chantais la fraternité dans toutes les langues ouvrières
    il a fallu que tu voies les banquiers et les flics
    faire de cette terre bien-aimée une morgue et une salpétrière.
   
    Robin
    Robin des ruisseaux et des genêts
    Maudits soient qui t'écrouèrent
    Fresnes, Santé, Conciergerie, Bastille
    c'est fou comme on aime les geôles à Paris
    et c'est là qu'ils ont voulu que tu meures
    toi, l'homme des steppes et des collines
    et des libres espaces sous le vent
    là, au Dépôt, entre leurs mains pourries
    Dis, Robin, en quel caveau t'ont-ils enseveli
    qui a signé la levée d'écrou de ta dépouille
    quelle fripouille de leur République de nantis
    faut-il désigner aux partisans de colère ?
   
    Robin, poète des longs silences fiers
    vagabond des pluvieuses nuits, où dors-tu
    la bouche scellée sur l'indicible poème
    Dis, Robin
    en quel village danses-tu avec Ben Barka
    le jabadao des suppliciés
    si loin, si loin de Rostrenen et Langonnet ?
   
    Robin, je vais te le dire :
    ce n'est pas assez de vivre en fraude
    il faut que les Bretons meurent en maraude
    Cloportes, rats, rongeurs de rêves
    ce n'est pas assez d'être pauvres
    il faut encore crever sans trêve
    comme des truands dans les cul-de-basse-fosse
   
    Robin, je vais te le dire
    ce jour où les matons sonnèrent tes glas
    avec leur trousseau de clés
    les merveilleux haillonneux vagabonds
    récitèrent un Dies Irae
    là-bas, dans les prés de Kéranglaz

Robin

Robin des nuits, Robin des bois et des rivières
    les barricades auront un jour l'accent de Plouguernevel

    nous craquerons le silence avec des jets de pierres
    nous parlerons breton aux juges du Sanhédrin
    nous parlerons breton aux fêtes fraternelles
    Robin
    Robin des nuits, Robin des bois et des rivières
    je clamerai ta rime aux éoliennes
    et le vent de la mer dira aux hommes et aux pôles
    « en France, c'est sûr, on n'aime les poètes qu'assassinés »


 Xavier Grall


Publié dans Poésie du monde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article