Elle n'est pas morte
Elle n’est pas morte.
Elle fait semblant.
Comme toutes ces choses que
nous avons l’air de faire.
Elle lit ceci par-dessus mon
épaule.
Je sens sa main
maternelle et glaciale
sur mon épaule.
Elle dit mon nom.
Elle répète mon nom, comme
une litanie.
Elle se répète.
Je me répète.
J’écris ceci avec l’efface de mon
crayon, comme une cassette qui
se rembobine.
Je me sers un autre verre de
scotch.
Je la sens derrière moi.
Je me retourne et elle est
partie.
Je me retourne.
Je me répète.
Je me rappelle.
Des places.
Des faces.
Une place.
Une ville.
Au sud du vrai nord où
le ciel mord la terre.
Cette ville n’est pas morte.
Elle fait semblant.
Cette ville n’est pas facile.
Elle est porte.
Elle est prologue et
épilogue.
J’écris ceci :
Elle n’est pas vivante.
Elle fait semblant.
Comme un rêve.
Elle est vraie comme un
rêve.
Comme un livre.
Je suis tout petit.
Je suis dans la maison de ma
mère comme si j’étais dans
son ventre.
J’ai chaud.
Je suis bien.
Je ne me rappelle de rien.
Je joue avec mes Dinky toys sur
un lit à couverte rouge.
Les plis de la couverte forment
des montagnes et des vallées où je
les fais promener.
Où je les fais vivre des vies et des morts
sans corps et sans pays.
Je suis présent dans le passé.
Ma mère me regarde jouer avec mes
Dinky toys en préparant le déjeuner.
J’écris ceci :
ce mot :
soupane.
Je ne vois rien.
J’ai faim.
J’ai les mains sales d’avoir tellement
Joué à la guerre.
Patrice Desbiens Un pépin sur un poêle à bois