En deça du rêve

Publié le par la freniere

 

Ne m’adoptez pas

Je suis un bâtard

Et je le resterai

Figé de solitude éclatante

Vous n’arracherez pas

Les ongles de ma terre

Ce trait marron ou vert

En bas d’une feuille blanche d’écolier

Matrice illicite des souvenirs

Ma misère est illisible

Mais c’est la mienne

Fraternelle de mon aphonie

Des rives du temps

Lisse et pâle comme un horizon de désert

Je choisirai le moment de la rencontre

Petit Prince aux cheveux blanchis

Je t’inventerai  femme aux rondeurs indécentes

Quand je lirai dans tes yeux

Le silence impardonnable de l’oubli

Nous sommes tous des oubliés

Qu’importe qu’il ait fallu s’accrocher

Aux rêves de tous ces passants

Ça n’a fait qu’encombrer le buffet

D’objets inutiles et indispensables

Ce vieux cendrier de bar ramené comme un trophée des antilles

Quelques lettres pliées repliées dans une boîte aux trésors

La soupière de la mère de ta grand-mère ou d’une autre

Un coquillage qui rassemble toutes les mers

Les pastilles pour la gorge

la vieille montre du grand père qui a dompté le temps

Toutes ces choses qu’il ne faut pas oublier

Qui s’entassent  pêle-mêle dans une odeur d’encaustique

Comme un grand dictionnaire de la vie

Jamais refermé

 

Ne m’adoptez pas

Je serai toujours le fils

D’une terre insoumise

Qui n’appartient qu’à moi

Celui qui ne sera que ce qu’il est

Ni plus ni moins

Juste ce qu’il faut pour croire aux fées

Pas aux dieux

Juste pour croire à la tendresse invisible

D’un regard à peine échangé

Une caresse d’ébène

Qui me lie à jamais à la terre

Je partirai dans un vent de sable chaud

Enfin adopté

Par les mains de la terre

Enfin enfanté et libre

Il me reste à l’écrire

 

Jean-Luc Gastecelle

 


Publié dans Poésie du monde

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