Fais front !

Publié le par la freniere

Aux regards inquisiteurs, qui cherchant à forcer ta pudeur légitime, voudrait pouvoir t’enfermer dans une caricature de psychologie – toujours plus simpliste, toujours plus liberticide.

Fais front !

Aux gardiens de troupeau qui, soit par les yeux doux, soit par les crocs, s’efforcent de te ramener vers leur « droit chemin », ignorant que ce chemin n’existe que dans leurs esprits médiocres.

Fais front !

Aux chantres de la morale, laïques ou religieux, qui masquent leur frayeur puérile derrière des conceptions aussi fantaisistes que péremptoires.

Fais front !

Aux « grands enfants » qui, voulant jouer l’innocence, démontrent en fait leur immaturité.

Fais front !

Aux pseudo-arlequins, dont les facéties et les grimaces, ne sont pas le reflet d’une réelle légèreté mais celui d’un manque de profondeur.

Fais front !

Aux unijambistes moraux, qui ne jurant que par l’amour et la lumière, là-même où les ténèbres règnent manifestement, méconnaissent l’ambivalence fondamentale de tout cycle vital.

Fais front !

Aux érudits, et autres perroquets savants, qui confondent l’intelligence avec cet amas de connaissances – aussi inutile qu’encombrant pour un esprit libre – et sur lequel pourtant ils fondent leur vanité.

Fais front !

Aux esprits morts-nés, qui partant d’une révolte légitime, et d’une lucidité vertueuse, ont fini par céder aux pesanteurs du réel, sombrant dans un cynisme et un fatalisme dont ils semblent vouloir recouvrir le monde.

Fais front !

A tous ceux qui ne « demandent qu’à croire », et préfèrent se réfugier dans une idéologie grégaire et sédentaire, plutôt que de chercher ce trésor intérieur, qui leur permettrait de fonder une philosophie aussi personnelle que vivante.

Fais front !

Aux « bons vivants » qui se targuant d’être naturels et sociables ne font en fait que manifester leur vulgarité et leur instinct grégaire.

Fais front !

Garde toujours foi en toi-même, sois fidèle à ton idéal du présent, fier de ta différence, tout en évitant toute exposition vaniteuse.

Toujours prêt à aider tes compagnons d’arme, et ne cherchant ni aide, ni refuge au sein des coeurs vulgaires, continue à arpenter orgueilleusement ces terres inconnues et illimitées qui forment ton champ de bataille et ta seule véritable destinée.

 

Frederic Nietzsche

 

Publié dans Poésie du monde

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