Ils ont dit
"Ce qui restera entre deux ratures, tu le nommeras poème. Un peu de terre remuée, un infime terrier de mots ou bien toute la terre s’arrondissant sous la main comme une pomme."
Le poète n'est pas un être d'exception. Il raconte et se raconte à travers une grille à peine secrète. Son message, qu'il voudrait simplement chiffré par l'affectivité, remue des mots comme des grelots.
Il arrive que ses sonnailles soient entendues. Pourquoi et comment lui est venue sa manie ? Il ne saurait le dire. Il a entendu d'autres appels ; il a été troublé par la chute d'une pomme mûre ; il a senti le vent de quelques mots frôler ses jeunes tempes.
D'une encre raide il a formé, lui aussi, un appel. il a délié, rempli, raturé son écriture et surtout rudoyé la fourmilière qui agaçait sa nuque. Il cherchait à traquer l'émotion - ce souffle court - il voulait la traduire dans sa respiration la plus ordinaire...
D'un soleil moins lointain, il mesura ses chances et ses risques. Des bacilles devinrent montagnes, un verre de vin prit un essor lumineux. Le concret se révélait.
De là lui vint le désir de ne point trahir les choses... Il doit avec de la fumée redonner le goût du pain. (Avoir été totalement pain ou totalement fumée semble la condition du poète. D'autres parlent d'ascèse.)
Gaston Puel