Jean-Claude Tardif

Publié le par la freniere

Jean-claude Tardif est né en 1963 à Rennes (Ille et Vilaine) dans une famille ouvrière. Polygraphe, il a publié à ce jour des livres de poèmes : "Nuitamment"(Ed. Cadex) "De la Vie Lente"; "L'homme de Peu" (Ed La Dragonne) Éditions Bilingue en Italie en 2010 et 2012 "Della Vitta Lenta" & "L'Uomo da Poco"(Edizioni Kolibris -Bologne-), "Le Bestiaire de Poche & d'Ailleurs" "A Contre Fruits", "Ordinaire & Alentours", "Le Bestiaire Improbable" (Ed Editinter) "Guahanani" (Ed Clarisse) . Des proses (tant nouvelles, récits que romans) : "Louve peut-être" "Les Jours, père" (Ed La Dragonne), "Il existe aussi des Histoires d'Amour" "Conversation pour Voix Rompues", "La Pension Candela" (Ed Editinter) "Prorata Temporis" (Ed Le Mort qui Trompe) et "Pierre Taillande - l'homme aux papillons" "Les Tanka Noirs" - (Ed Rafaël de Surtis) "La Nada - Nouvelles pour l'espagnol", "Post-Scriptum au Chien Noir" (Ed. Le Temps qu'il Fait) "Claire-Obscur" (Ed Les Promeneurs Solitaires)

 

Certains de ses poèmes ont été traduits en anglais allemand, italien, espagnol, farçy, lingala, portuguais, coréen... et sont présents dans diverses anthologies de poésie contemporaine

Des nouvelles éparses ont été publiées dans des revues ou des collectifs : "L'Atelier du Roman", "Brèves", "Décharge", "Harfang"," La Revue Littéraire","La Main Millénaire"...

Il a collaboré (ou collabore) avec le photographe Jean-Michel Marchetti les sculpteurs et graveurs : Bernadette Cullafroz, Jean-Claude Le Floch, Michel Goulet, Claude Goument, Claudine Goux, Corinne Lemerle, Marjon Mudde, Jean-Louis Millet, Jacques Basse - et les musiciens : Julie Laillet, Nicolas Courtin. Ecrit en complicité avec les poètes Jean Chatard (Correspondances 98), André Prodhomme (Dans la couleur de merles 03), Jean-Albert Guénégan (Conversation à voix rompues) -

 

Revuïste il crée en 87 la revue "Le Nouveau Marronnier" qui s'éteindra en 91 après huit livraisons, puis en 99 "A L'Index" qui à ce jour est riche de 21 livraisons. A l'origine cette revue était un lien papier avec les Rencontres du Livre à Dire qu(il anima de février 97 à décembre 2011 (voir http://www.evazine.com/ rubrique voies invitées -) tournée vers la poésie contemporaine comme la précédente elle s'ouvrit aux textes courts et à la nouvelle. Aujourd'hui elle continue son chemin alors même que les rencontres ont été interrompues.

Au fil des ans ses poèmes ou ses proses ont été portés par les voix de : Daniel Gélin, Pierre Debauche, Guy Lavigerie, Jean-Pierre Chères, Michèle Berranger, Jean-Louis Millet, Eveline Legrand, Benoît Fourchard...)

 

*

Il ne fait rien comme tout le monde, et quand il fait semblant de faire comme tout le monde, ce n’est pas pour ne rien faire, mais pour changer les couches sales de la société et les bavoirs tachés de la parole ; c’est pour talquer les fesses les plus fragiles, de ceux qu’on abandonne dans le tour anonyme de la vie ; et surtout, pour faire un enfant dans le dos de la loi des plus forts ; des enfants qui grandiront libres, et ces enfants-là sont des poèmes, et celui qui ne connaît des vers que ce qui se passe dans les charniers, il lui fait juste retour des choses, bouffer les siens, rythme, musique et cadences du cœur, pour qu’il apprenne à faire enfin la différence entre les morts et les vivants.

Tardif est de ceux qui inventent la vie là où d’autres n’attendent de la vie que d’être inventés. Çà marche tout le temps, sa machine à rêver le monde, son mouvement d’aimer perpétuel, alors que tant d’autres ne trafiquent leurs breloques à seule fin qu’elle puisse marquer leur heure de gloire à eux ! Qu’on ne s’y trompe pas, on entend aussi ceux qui sont attentifs – grincer les roues dentées de la colère – ceux qui sont plus attentifs encore – menacer au silence de l’ombre à retardement dans l’écriture et son mystère généreux. Déjà, il a créé des types nouveaux d’hommes, debout : l’espagnol breton, l’anarchiste bien tempéré dont la seule beauté reste le métronome assourdissant…

Mais pourquoi continuer ? Dans la maison de l’amitié, il est la cave et le grenier ; le reste entre les deux il le laisse à tout le monde ; ce que justement il n’est pas. Il aime ce raccourci entre le monde d’en haut et celui d’en bas : quelque chose de l’ordre de l’éclair dans un œil bleu d’été dont il se servirait comme d’un nœud dans un mouchoir pour ne rien oublier.

 

Werner Lambersy 

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Bibliographie complète 

 

Poésies

 

"Hièros" Editions La Table Rase - 1990 -

"Méconnaissance du soir" Editions Entente -1993 -

"Orcus" Editions La Bartavelle - 1995- (préface Werner Lambersy)

"Fruits Times" Editions Le Dé Bleu - 1995 - (illustrations Corinne Lemerle)

"Correspondances"Editions La Bartavelle - 1997 - (en complicité avec Jean Chatard)

“De la vie lente” Editions La Dragonne -1999 - réd. version bilingue franco-italienne Editions Kolibris - 2011 - (Bologne)

“Nuitamment” - poèmes – Cadex éditeur -2001-

(préface Marcel Moreau – Gravures Bernadette G.Cullafroz)

"Dans la Couleur des merles" Editions LGR -2003-

(en complicité avec André Prodhomme)

“L'homme de peu"  Editions La Dragonne -2002

“Le Bestiaire de Poche & d'ailleurs” Editions Editinter – 2003- (illustrations Claudine Goux)

“A contre fruits” Editions Editinter  -2004 - (illustrations Claudine Goux)

“Les Tanka noirs” Editions Rafaël De Surtis – 2008 -

"Ordinaire & Alentours" Editions Editinter - 2009 -

"Le Bestiaire Improbable"  Editions Editinter -2011- (illustrations Claudine Goux)

"Guahamani" Editions Clarisse -2011-

 

 Proses

 

“Louve Peut-être – récit –  Editions La Dragonne -2005- (photographies Jean-Michel Marchetti)

“Il existe aussi des histoires d'amour”  - nouvelles –  Editions Editinter- 2006-

“Prorata Temporis” – récit- Editions Le Mort-qui-trompe -2007-

“Pierre Taillande, L'homme aux papillons” - novella – Editions Rafaël De Surtis -2007-

"Conversation à Voix Rompues" Editions Editinter  - 2009- (en complicité avec Jean-Albert Guénégan)

"Les Jours Père" - récit -Editions La Dragonne -2009- (préface Philippe Claudel)

"La Nada" - nouvelles - Editions Le Temps Qu'il Fait - 2009

"Claire-Obscur" - roman - Editions Les Promeneurs Solitaires - 2010

 

 

 

Ses mains tremblent  

Elle a dans le regard le bleu de la mer  

peut-être        elle ne sait plus .  

L’écume lui remonte au cœur  

avec la nuit                   Les cris de la nuit                          

sont ceux de ses enfants  

qui tremblent comme ses mains ;  

un grand silence au-delà du bruit  

des maisons qui craquent se plient  

s’endorment dans la rue.  

Elle a les mains qui tremblent quand elle cherche un prénom  

gravé sous la poussière. 

 

Il les regarde  

leurs visages portent le vent chaud.  

Les arbres craquent,  

il les appelle par leurs prénoms  

du haut de ses six ans.  

Hier il courait plein de cris et de jeux.  

Ses yeux ronds ne sont que silence d’Alger à Thenia. 

 

Il ne dit rien.  

Ses mains parlent avec méthode

et grand silence,

tous à l’entour lui ressemblent

et il se reconnaît dans leurs regards ;

voit leurs vies sous la poussière.

Il fait nuit dans les jardins publics.

Il se dit qu’il n’y peut rien

dans le silence du monde et le bruit fou de Boumerdès

 

 

*

 

Le poème ne s'invente pas,

il est de bois, de chair, de vent

de paroles que l'on taille

à la serpe des rides

quand le soir rôde sur la peau

que la voix rosse les chansons à boire

 

On n'invente pas le poème,

on le vit comme ordinaire.

 

*

 

Doucement la porte bouge

laisse voir le jardin -Il rougit

 

Tu ne sais pourquoi

mais tu sens sa rougeur

te monter aux joues

 

Une femme approche

avec une volée de fleurs coupées

tu les prends à plein bras

 

Qui te regarde

dans la jalousie des parfums mêlés?

 

Ses hanches dansent sous le vent     cette nuit

la fenêtre restera ouverte.

 

***

Pour retenir le quotidien

Comme un fruit dans le compotier

il a en héritage

les gestes lents de la vie

qu’il enferme le soir

dans sa montre à gousset

et des mots  aux parfums de draps mouillés

qu’il lustre comme des vêtements de travail,

par esprit de compagnonage.

 

***

Écrire

des mots au goût de pain simple

 

Faire jaillir la lame de l’encre,

tailler de belles tranches de page

qui semblent proses à jour;

quotidien des hommes au travail

(…)

Écrire simplement

pour enchanter la vie

 

***

 

Par la fenêtre, j’observe ce sang,

sa progression sur le trottoir,

sa façon d’effleurer la tige du lilas,

de frôler le lys sur sa gauche

lorsqu’il s’acoquine à la terre

(…)

Nul ne lui prête un regard,

nul ne se penche pour tenter de le saisir,

de le regarder dans la lumière d’hiver.

 

Un moteur claque, le rouge-gorge s’envole.

 

***

 

Mer, conte changeant de la nuit mauve
Où dort encore le petit fanal d'un oiseau
Rouge. Feu aux tempes ; Dans les maquis
étroits d'un coeur qui tremble et s'étreint.
Au matin quand la marée décroît
Un peu plus que de déraison, flux reflux

 
Détroit étrange que ce corps et ses maux
Ulcérés de soleils vivants, torrides sous la mémoire

Maintes fois retenus par le poids de la lune
A distance de main, attraits tendus
Nocturnes sous la nuisette du poème
Soulevé par des mots très simples.

 

 ***

 

Cerise tendue de rouge sous la dent,
L'île encore une fois au bord du jardin.
À un jet de pierre dans l'ombre d'un cormoran
Un cri à peine pour l'éclat d'une sterne
Devenue trop blanche pour voler
Et paraître immobile aux nuages.

Aujourd'hui le sentier qui mène au bois
Vague de mon souvenir
Ecoute les rumeurs de la mer
Lit dans les empreintes laissées au sable
Improbables traces d'une vie qui tremble
Néanmoins. Comme le fait la nuit
qu'épicent les salicornes.

 

 ***

 

Géographe entre mer et terre
Un mot lancé comme un filet contre le ciel
Inversé, l'oiseau remplacé par son chant
Libre de vol et de silence
Levé au coeur du corps
Enlevé dans la courbure des mots
Voilà le texte, l'encre rare sur le blanc et
Imaginé le poème, bref
Composé d'eau, de terre, de rocs  

 

 ***

 

- Mais où allez-vous ainsi Monsieur Max ?
- A Paris je m'en vais benoît, Saint né sous
X ; benêt du roi

Je m'en vais silencieux, vêtu de mots qui danse
A l'aube je m'endors à l'ombre des romances.
Collines de la mer perdues dedans Quimper
Oh l'enfance et les jeux ; Tous les mots qu'on y sert
Bon pain bleu de soupirs, de joies et de misères.

 


 

Jean-Claude Tardif

Publié dans Les marcheurs de rêve

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