La lumière
Dans la rue, un punk à chien sans chien
me tends sa canette de bière
On partage, si tu veux, il dit
le vent est froid
les gens cavalent tête baissée
Dans la rue, un punk à chien sans chien
me tends sa canette de bière
On partage, si tu veux, il dit
le vent est froid
les gens cavalent tête baissée
et lui, il me regarde, bras tendu
ses doigts sales enroulés
autour du cou d’une kro
et peut-être qu’il cherche, je ne sais pas
un truc comme de la chaleur
une présence
un refuge humain
il a un visage d’enfant
je dirais dix-neuf ans
je pourrais jouer à être sa mère
au moins quelques instants
le rassurer
effacer la crasse collée à sa joue
mais je ne bouge pas
rouillée
coincée
incapable de déplier une aile
pour qu’il vienne s’y blottir
qu’est-ce qui me retient, au juste ?
j’esquisse un sourire poli
décline la bière, le remercie
il me regarde, étonné, fatigué, perdu
son visage d’enfant
et je m’éloigne
je continue simplement d’avancer
vers un avenir aux contours incertains
un paysage flou qui pourrait très bien s’effacer
je me dis qu’on est très doué
pour ce genre de chose :
avancer dans le brouillard
ignorer la lumière quand elle est là
Marlène Tissot