Le chagrin voleur du temps (Irlande)

Publié le par la freniere


GRIEF THIEF OF TIME
  
Grief thief of time crawls off,
The moon-drawn grave, with the seafaring years,
The knave of pain steals off
The sea-halved faith that blew time to his knees,
The old forget the cries,
Lean time on tide and times the wind stood rough,
Call back the castaways
Riding the sea light on a sunken path,
The old forget the grief,
Hack of the cough, the hanging albatross,
Cast back the bone of youth
And salt-eyed stumble bedward where she lies
Who tossed the high tide in a time of stories
And timelessly lies loving with the thief.
  
Now Jack my fathers let the time-faced crook,
Death flashing from his sleeve,
With swag of bubbles in a seedy sack
Sneak down the stallion grave,
Bull's-eye the outlaw through a eunuch crack
And free the twin-boxed grief,
No silver whistles chase him down the weeks'
Dayed peaks to day to death,
These stolen bubbles have the bites of snakes
And the undead eye-teeth,
No third eye probe into a rainbow's sex
That bridged the human halves,
All shall remain and on the graveward gulf
Shape with my fathers' thieves.

 

X

Le chagrin voleur du temps s’éloigne en rampant,
La tombe aimantée par la lune, avec les années voguant,
Le valet de la douleur dérobe
La foi marine brisée, qui a mis le temps à genoux.
Les vieux oublient les cris, courbent le temps sur le flot
Et les heures où ils avaient le vent debout,
Rappellent les naufragés
Chevauchant la lumière de la mort sur un chemin englouti,
Les vieux oublient le chagrin,
Le râle de la toux, l’albatros qui pend,
Rappellent l’os de la jeunesse
Et, l’œil salé, trébuchent vers le lit où repose
Celle qui a soulevé la haute mer à l’époque des contes
Et continue sans fin d’enlacer le voleur.
  
Ducon, valet de mes pères, laisse à présent l’escroc à gueule de temps,
Arborant l’éclair de la mort sur la manche
Avec un butin de bulles dans un sac de semence,
Se glisser dans la tombe de l’étalon,
Faire mouche sur le paria à travers une fente châtrée
Et libérer les cercueils jumeaux du chagrin.
Qu’aucun sifflet d’argent ne le poursuive le long des pics
De chaque jour jusqu’au jour de la mort.
Ces bulles volées contiennent la morsure des serpents
Et les dents des yeux à venir.
Qu’aucun troisième œil ne sonde le sexe de l’arc-en-ciel
Qui enjambait les deux moitiés de l’homme.
Tout demeurera et, dans le golfe ouvert sur la tombe,
prendra la forme des voleurs de mes pères.
  

Dylan Thomas

traduit par Patrick Reumaux 


 

Publié dans Poésie du monde

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