Montréal, blues divers (Québec)

Publié le par la freniere

 

enfin cette ville aux rues sales
et transversales aux trottoirs discontinus
d'où la nuit aux prises avec sylves et lièvres
et bêtes célestes suintant
des murs de graffitis à cours de maux


donc et ainsi je marche
dans cette ville impossible
avec un mal de siècle incurable
et un manque à dire

comme un chant dans la gorge
ou un koan sur le bout de la langue

c'est Miron en homme rapaillé
qui murmure que la Grande Sainte-Catherine Street
galope et claque
avec ses néons las
comme des mantras célèbres
dans l'urgence de payer le prix unique
pour tout ce mercantilisme
sans commune mesure avec la destinée de l'être humain

tel qu'il fut conçu par les dieux païens ancestraux
et millénaires un milliard de fois un milliard
comme dans les calculs indiens de la Bhagavad Gita

et que cette ville qui m'use à l'ossature
j'attends le dernier poète qu'il me reste
en cette vie de bas niveau
le voilà avec M. l'Indien en limousine italienne
et bottes de cowboy
il a lui aussi Montréal tatoué sur les os

les voeux sont faits
je suis de cette ville comme on est de nulle part
et d'ailleurs en même temps
comme si Multa née
ment comme elle parle pense et jouit


 

ouf !
échappée belle
je tiens Montréal par la peau des eaux
retenues par mon idiosyncrasie

de circonstance exténuante

Montréal
dis vers quoi
je dois tendre
où t'attendre

c'est l'été que Montréal
me permet la vie immédiate
et me rend l'au-delà possible


et je rends l'âme à tout propos
quand le soir tombe comme un astéroïde oublié
je me retrouve dans les bas quartiers
dans le remugle des populaces désoeuvrées
je me désole à fleur de pavé à même le détritus humain
et je pense à Rimbaud seul sur les routes de l'esseulement
et je me dis que si seulement une fille de circonstance
se pouvait trouver sur mes errements
mais non rien au monde pour moi
dans cette quête d'absolu néantitude

aujourd'hui c'est le printemps
qui révèle la ville Montréal
à elle-même en tant qu'elle-même
murs de thébaïde sans fin
détresse trottoirs
mêmes histoires
me fixe le dernier point

 

puis les soirs d'été
dans la chaleur terrible
des émanations corporelles
toujours les bas quartiers
de la promiscuité intraitable
je suis avec les miens étranger
en mon propre exil montréalais
sans ami ni parents ni patrie
ni rien de rien
qui vaille ville à moi
Montréal

 

Lucien Francoeur

 


Publié dans Poésie du monde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article