Pattes de mouches
On parle d’instabilité hormonale
de stress au travail
du poids du quotidien
on suggère parfois une enfance difficile
du genre qui rend les digestions aigres
et les nuits un peu trop blanches
et qu’est-ce qu’«on» en sait ?
et qu’est-ce que ça change ?
il y a des chemins qui ne se prennent
qu’à l’endroit
la vie est une route à sens unique
pas de marche arrière
pas de demi-tour possible
on peut parfois s’essayer au stand by
tu sais, comme un oiseau qui plane
profiter d’un courant porteur
se reposer les ailes
mais le corps, malgré soi
continuera d’avancer
irrémédiablement
jamais reculer
jamais le passé
on n’y remet pas les pieds, c’est fini
quand bien même on le sens là
le passé
encore présent au creux du ventre
quand bien même on voudrait simplement
y retourner pour rafistoler un lit brisé
ou une poupée démembrée
récupérer un morceau de soi perdu
celui qui nous rend boiteux
bancal
toujours prompt à se casser la gueule
et bien non, je te dis
il n’y a pas de marche arrière
faut continuer
même à cloche pied
même en rampant
même avec le ventre lourd de souvenirs
enflé comme un abcès et
on te répète marche ou crève
alors oui, c’est con mais
parfois ça à l’air tellement plus facile
de crever
que de marcher
et si je te disais ce qui me retient
tu me croirais ?
– les mots, ceux qu’on m’offre et ceux qui poussent dans ma tête –
si je te disais que ma ligne de vie, c’est ça :
les mots
tu me croirais ?
non, probablement pas
personne ne peut croire à la puissance de choses
aussi fragiles que les pattes de mouches