Plainte du jeune breton exilé à Paris
Saluez pour moi Jos le simple d’esprit le doux rêveur celui que les
gens de la capitale appellent l’Idiot du village
Saluez ma mère qui dort sous la menue dalle
et mon père qui fait la sieste à ses côtés
Saluez le vieux chien qui a perdu il y a des années une oreille dans
une sombre bagarre de cabaret
Saluez la rivière et la haie
la fleur maigre et sauvage au flanc du talus
et aussi la jeune femme qu’aux épousailles je n’ai pas menée
Saluez la vieille à la coiffe et l’enfant de la journée
Saluez le poéteux qui boit et danse et apostrophe les calvaires
entre Pont-Aven et Saint-Guénolé
Saluez pour moi je vous en prie le pays dans sa diversité
si émouvant quand tombe lentement vers la terre les premières
étoiles de la nuit.
André Laude